Némésis Srour : les échanges que l’AUF promeut favorisent un réseau de circulations des savoirs

Némésis Srour (2)

Le jury du Prix de thèse sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans 2020 du Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) Moyen-Orient et mondes musulmans et de l’Institut d’étude de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) a désigné les lauréats pour cette année.
Huit prix et six mentions spéciales ont été décernés, sur un total de 122 candidatures. Le prix de la thèse francophone attribué par la Direction régionale de l’AUF au Moyen-Orient, a été décerné à Némésis Srour, pour sa thèse en anthropologie sociale et ethnologie intitulée « Bollywood Film Traffic. Circulations des films hindis au Moyen-Orient (1954-2014) », sous la direction de Catherine Servan-Schreiber, soutenue à l’EHESS le 17 décembre 2018.
Nous l'avons rencontrée.

  • En quoi consiste votre projet de recherche ?

Mon projet de recherche a pris forme à partir d’un témoignage familial qui m’a interpellé. Un soir d’été 2010 au Liban, alors que je partageais avec ma grand-mère ma passion pour les films Bollywood, elle me surprit en citant titres de films et noms d’acteurs, et à me raconter et rejouer les scénarios de films dont elle se souvenait. Amitabh Bachchan, Shammi Kapoor, Amar Akbar Anthony, Sangam… ce fut un déluge de souvenirs. Ma grand-mère me raconta alors que, durant la guerre, elle adorait regarder ces films qu’elle empruntait en VHS. Intriguée par ce circuit que je ne soupçonnais pas et qui ramenait des films indiens dans les années 1970 et 1980 jusqu’à la ville de Zahlé dans la plaine de la Bekaa, je me décidais d’enquêter et de remonter cette filière. Mon travail s’est alors attaché à faire une ethnographie transnationale des réseaux de circulations des films, au Liban, en Égypte et à Dubaï, des années 1950 jusqu’à l’époque contemporaine, pour mettre en lumière un champ peu documenté de l’histoire globale des circuits cinématographiques Sud-Sud.

 

  • Encouragez-vous les étudiants du Moyen-Orient à s’investir dans le domaine de la recherche ?

Si je peux d’abord répondre à cette question de manière idéaliste, je dirais qu’il est nécessaire que les étudiants du Moyen-Orient investissent le domaine de la recherche. Cela me semble nécessaire pour une co-construction des savoirs à l’échelle globale, dans l’idée de créer de multiples circuits, de multiples espaces, de création et de transmission des savoirs. Seulement, en pratique, on ne peut pas nier que faire carrière aujourd’hui à l’université et dans la recherche, surtout dans le champ des sciences humaines et sociales, revient à s’engager sur une voie escarpée, avec des difficultés de financements accrues et un manque de postes.

Toutefois, s’investir dans le domaine de la recherche peut prendre différentes formes, et pas uniquement celle d’une carrière académique. Je repense alors aux mots de la réalisatrice libanaise Jocelyne Saab : « Il faut agir, même si ton action est une virgule, un point-virgule dans l’Histoire. ». Alors, s’il ne faut pas renoncer à l’action, il ne faut pas non plus déserter le savoir – une arme puissante pour penser, agir, résister, lutter.

 

  • Comment avez-vous entendu parler du Prix de Thèse et pourquoi avez-vous postulé ?

J’ai reçu l’information de ce prix de thèse par mon école, l’EHESS, et par le GIS Moyen-Orient et mondes musulmans, dont je suis les actualités. Ma recherche me semblait en adéquation avec les critères du prix de thèse, et j’ai donc postulé ! Voir mon travail de recherche récompensé par un prix, d’autant plus par des spécialistes de mon champ d’étude, est une belle reconnaissance et un véritable soutien. C’est une aide symbolique et matérielle précieuse pour pouvoir démarcher une maison d’édition. Pouvoir partager et transmettre un savoir qu’on a mis plusieurs années à construire et mettre en forme, auprès d’un public et sous la forme d’un livre, donne du sens à ce travail de longue haleine. La possibilité de publier un travail de recherche est vraiment un bel aboutissement.

 

  • Connaissiez-vous l’AUF ? Que pensez-vous de son rôle dans l’appui à la recherche ?

Je connaissais l’AUF, notamment par des collègues qui ont pu bénéficier de son soutien pour mener leurs études et travaux de recherches. En tant que franco-libanaise, je suis forcément sensible à ces problématiques. Je trouve que c’est positif qu’une telle agence existe, car elle permet un dialogue entre les différentes instances de recherche, mais aussi de rendre possible des parcours de chercheurs et de les mettre en valeur à l’échelle internationale via le réseau de la francophonie. D’autre part, l’implantation locale permet d’être au plus près des enjeux locaux de terrain, sans se détourner de la dimension transnationale. Les échanges que l’AUF permet et promeut, favorisant un réseau de circulations des savoirs à une variété d’échelles, sont, à mon sens, au cœur des enjeux de notre monde contemporain.

 

Date de publication : 03/08/2020

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