Elle est doyenne honoraire de la Faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et déléguée du Recteur à l'Assurance qualité et la Pédagogie universitaire. Auteure reconnue de nombreux ouvrages, Nada Moghaizel Nasr est une figure académique de la francophonie libanaise. Son parcours avec l'AUF date de 2005 et « s’inscrit dans la durée », souligne-t-elle.
Nous l'avons rencontrée.
- Parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel et de votre relation avec l’AUF :
Ma relation avec l’AUF s’inscrit dans la durée. Elle a débuté quand j’étais doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation en 2005, s’est confirmée depuis ma nomination à la fonction de Déléguée du Recteur à l’assurance qualité et la pédagogie universitaire à l’USJ en 2012, et se poursuit.
Ce partenariat n’a pas porté sur des projets juxtaposés, mais sur des activités articulées et alignées dans une approche systémique, qui dessinent un parcours cohérent. Il s’est confirmé lors du chantier mené par la Mission de pédagogie universitaire (MPU) que je pilote. Ce chantier visait à développer la culture du Processus de Bologne qui place l’étudiant au centre des préoccupations de l’université. Cette culture exige d’identifier, de manière précise et évaluable, les résultats attendus de la formation des étudiants, c’est-à-dire un référentiel de compétences pour chacun des diplômes, de s’assurer que les unités d’enseignement qui constituent le programme desservent ce référentiel et d’adopter des approches pédagogiques et un accompagnement qui permettent d’atteindre ces résultats attendus, ainsi que des modalités d’évaluation qui permettent de se prononcer sur leur acquisition, au niveau d’une unité d’enseignement ou de l’ensemble d’un programme.
Cette vision s’est déclinée en initiatives articulées : ateliers de formation, coaching institutionnel et individuel, carrefours d’échange de bonnes pratiques, production de ressources pédagogiques.
Afin de capitaliser ce travail, de le pérenniser et de le partager avec d’autres institutions francophones, un Manuel de pédagogie universitaire ainsi qu’un Guide de l’évaluation des compétences ont été rédigés. Ils sont publiés en version numérique. Ils sont surtout évolutifs. Des ajouts ou des modifications y sont régulièrement apportés.
- Vous avez piloté le travail sur le Guide de l’évaluation des compétences. Parlez-nous un peu de ce projet et des activités annexes qui peuvent en découler :
Le Guide de l’évaluation des compétences s’inscrit dans le parcours systémique décrit ci-dessus. Il est l’aboutissement d’une réflexion autour de l’évaluation des programmes de formation qui comporte l’évaluation des compétences acquises par les diplômés. Il s’inscrit dans un projet cohérent mené par la Mission de pédagogie universitaire de l’USJ, qui a débuté par des rencontres de sensibilisation et des ateliers de formation autour de l’évaluation des compétences, organisés par champs disciplinaires et suivis par un accompagnement institutionnel lors de l’implémentation. Ce Guide est évolutif et sera amélioré suite à son expérimentation.
L’évaluation des compétences est centrale dans l’évaluation d’un programme de formation, car elle apprécie son efficacité et permet de prendre les mesures nécessaires pour le développer ou l’améliorer. Il me semble que l’évaluation des compétences attendues d’un programme est une composante à renforcer en contexte francophone. Nous espérons que la réflexion qui a sous-tendu ce travail ainsi que l’intégration d’approches appartenant à d’autres cultures seront une valeur ajoutée. Je constate que ce chantier a sensibilisé notre communauté universitaire à l’importance d’implémenter des modalités d’évaluation des acquis qui soient complexes, intégratives et contextualisées, modalités incontournables vu les avancées exponentielles des outils de l’IA.
- Qu’en est-il du coaching pédagogique que l’AUF soutient également ? De nouvelles perspectives ?
Le coaching assuré par la Mission de pédagogie universitaire a porté sur des projets institutionnels, adressés aux facultés, et des projets individuels, adressés aux enseignants. Alors que nous organisions des ateliers suivis d’un coaching, nous avons tenté l’inverse, et sommes partis parfois d’une offre de coaching qui a été complétée par des ateliers de formation au besoin. L’évaluation de l’expérience a montré que l’amélioration des pratiques est largement renforcée si la demande émane de l’entité bénéficiaire et si un accompagnement de proximité est assuré, incluant des temps de formation. En harmonie avec les orientations internationales, la MPU a également assuré en 2022-2023, un séminaire de formation pédagogique aux doctorants de l’université, ceux-ci pouvant être appelés à enseigner au supérieur. Ces doctorants ont été suivis pour concevoir une unité d’enseignement réelle ou simulée. La composition pluridisciplinaire du public a favorisé des échanges fructueux. Cette formation sera une valeur ajoutée pour ces futurs enseignants francophones. L’AUF a largement soutenu ce projet de coaching aux multiples facettes, porteur d’enjeux pour la francophonie. L’expérience pourrait être étendue à d’autres universités francophones. Ceci renforcerait le développement d’un réseau d’expertises pédagogiques francophones dans la région.
- Comment évaluez-vous le système assurance qualité mis en place dans les institutions d’enseignement supérieur au Liban en général et à l’USJ en particulier ?
Je pense que l’écosystème de l’enseignement supérieur au Liban gagnerait à être régulé par une agence nationale d’assurance qualité qui fixerait des standards communs pour tous. Les recherches montrent que de telles agences sont des leviers pour développer la qualité des institutions d’enseignement supérieur et donc la qualité de la formation des jeunes. L’USJ, en partenariat avec l’AUF et la Direction générale de l’enseignement supérieur, a organisé un colloque autour de la question de l’assurance qualité au Liban. Ce colloque avait rassemblé des cadres de toutes les universités au Liban. Nous avons rédigé une synthèse des recommandations qui ont émergé des ateliers organisés en langue française et en langue anglaise. Il serait utile de capitaliser ce travail et de l’investir. Cette rencontre interuniversitaire a permis des synthèses intéressantes entre l’apport des cultures européenne et nord-américaine. Cette fécondation des cultures est utile pour tous. Quant à l’USJ, puisque vous me posez la question, lors des préparatifs pour son accréditation par une agence européenne, nous avions bien clarifié à notre communauté universitaire que cette accréditation n’était pas une finalité, mais un levier pour développer nos prestations et renforcer la culture qualité au sein de notre université. Culture qui respecte les critères suivants qui sont, à mon avis, au cœur de la qualité : pertinence des initiatives, cohérence et alignement, efficacité, efficience, démarche participative, équité, communication et mécanismes d’amélioration continue.