Entrevue avec M. Michel Troquet, Président du conseil scientifique de l’AUF

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M. Michel troquet, le nouveau président du conseil scientifique de l'AUF nous a accordé une entrevue et a accepté de répondre à quelques unes de nos questions.

M. Michel Troquet

Question 1 : M. Troquet, vous avez été élu Président du conseil scientifique de l’AUF le 14 décembre 2011. Félicitations pour cette élection, et permettez moi de vous poser d’emblée mes premières questions : qu’est-ce qu’implique être président d’un tel conseil et quels sont les chantiers prioritaires que vous souhaitez engager pour l’AUF ?

Être Président du Conseil scientifique est un immense honneur, c’est surtout un témoignage de confiance de la part des collègues qui m’ont élu à ce poste. Il me reste à mériter cette confiance en m’engageant encore plus dans l’animation du conseil. Ceci se fera dans la continuité du mandat de Christine Colin auprès de laquelle j’ai beaucoup appris au sein du bureau et que je remercie pour l’ambiance de travail qu’elle a su instaurer.
Le Conseil scientifique de l’AUF constitue un espace rare, tout à fait particulier en milieu universitaire, caractérisé par une grande richesse et une variété de compétences, une absence d’enjeux de pouvoir et un engagement sans faille de tous ses membres.

Je mesure la chance qui m’est donnée de présider une telle assemblée mais également la responsabilité d’en faire émerger le meilleur pour contribuer au rayonnement de l’AUF. La priorité de ce Conseil, en collaboration avec l’exécutif, est de stabiliser et conforter les éléments clés de la programmation quadriennale à savoir la régionalisation et la logique de projet.

Pendant ses 50 premières années d’existence, que nous venons de fêter, l’Agence a su montrer de réelles capacités d’adaptation aux évolutions du monde universitaire francophone, à ses attentes, à ses besoins. Aujourd’hui nous avons changé d’époque. Dans toutes les parties du monde, l’Université est en profonde restructuration, le plus souvent avec des cinétiques rapides, tant la pression de la demande sociale est forte. C’est tout le mérite de l’Agence d’avoir su prendre ce virage avec la nouvelle programmation. Dans ce nouveau contexte, le rôle du Conseil change de dimension il ne s’agit plus seulement d’examiner les résultats et la qualité des actions conduites, mais de se projeter dans l’avenir afin de déceler ici et là les éléments clés du développement des Universités que l’Agence pourra promouvoir et soutenir. Je compte développer au sein du Conseil ce rôle de veille stratégique grâce à sa composition pluriculturelle et pluridisciplinaire.

Question 2 : Depuis le déploiement de sa seconde programmation quadriennale 2010-2013, l’Agence s’est engagée progressivement dans la voie de la démarche projet. Selon vous, en quoi la mise en place d’une telle démarche peut contribuer au développement d’une organisation comme l’AUF?

Toute organisation court le risque de la bureaucratisation et son cortège de dysfonctionnements si elle n’y prend garde. Le remède trouvé par de nombreuses entreprises fut de changer régulièrement les organigrammes pour éviter la routine et redonner l’esprit de l’innovation autour de projets.
L’AUF a engagé à son tour sa mutation, d’abord avec la régionalisation puis avec la nouvelle programmation et l’intégration de la démarche de projet.

Le développement sans précédent de l’Agence depuis une dizaine d’années a rendu nécessaire de renforcer son caractère associatif. Le monde universitaire, en profond bouleversement, vit de nombreuses contradictions. Ainsi l’apparition et la multiplication des classements des établissements, renforçant la concurrence, pousse à l’isolement, alors que les valeurs traditionnelles de l’Université se construisent sur l’ouverture et la coopération.
L’Agence et sa nouvelle démarche de projet peuvent trouver leur place dans cette intersection entre concurrence et coopération, au service de ses membres mais également au service de l’Université au sens large. Il s’agit d’une voie étroite, que seul le projet peut permettre d’emprunter, projet dont chaque partenaire retirera des fruits pour valoriser son institution. Ce nouveau positionnement demandera un gros travail de communication même si nous sentons déjà qu’il est bien reçu.

Question 3 : Comme vous le savez, l’AUF dispose aujourd’hui de 66 campus numériques francophones, dont 16 partenaires, où des étudiants peuvent suivre une des 80 formations à distance offertes par différentes universités membres de l’Agence. À votre avis, est-ce révélateur de la place que le numérique risque de prendre, à l’avenir, dans le développement des universités?

L’Agence s’est engagée depuis 20 ans dans le numérique avec les succès que l’on sait.
Mais si le numérique est un vecteur de communication incontournable aujourd’hui et son utilisation en pédagogie en forte croissance, ma conviction profonde est qu’il ne pourra jamais remplacer totalement le formateur, car l’enseignant véhicule bien d’autres éléments indispensables dans le processus de formation. Le numérique est précieux pour les enseignements premiers ou rationnels, mais on ne peut pas réduire la formation à cette seule transmission de connaissance qui évacuerait l’émotion des processus cognitifs.

Par contre le formidable potentiel lié aux ressources numériques plaide très clairement pour un « retour aux sources de l’enseignement » selon Edgar Morin, non plus basé sur le savoir encyclopédique mais sur l’acquisition des compétences, fondement du processus de Bologne. Si pendant longtemps l’Université a proclamé haut et fort que son rôle était dans la création et la transmission des savoirs, le numérique interpelle les institutions sur cette dernière mission. Il s’agit plus aujourd’hui de s’interroger sur les méthodes pédagogiques que sur les contenus. C’est un sujet que l’AUF devrait s’approprier pour le faire avancer, tant les résistances sont grandes au sein des établissements. Le Conseil scientifique pourra apporter sa contribution à ce changement de paradigme.

Date de publication : 06/02/2012

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