Les enseignants, étudiants et particulièrement les représentants des entreprises francophones au Vietnam se sont réunis le 20 janvier 2024 à l’Université des sciences et technologies de Hanoï (HUST) afin d’échanger des opportunités et défis de l’employabilité des étudiants francophones en sciences de l’ingénieur.
Cet évènement était le fruit de la collaboration entre l’AUF-Asie-Pacifique et deux de ses grands partenaires, la Chambre de Commerce et d’Industrie française au Vietnam (CCIFV) et l’Université des sciences et technologies de Hanoï (autrefois Université polytechnique de Hanoï, HUST), qui souhaitaient apporter une vision plus intégrale sur le marché de l’emploi actuel ainsi que des recommandations utiles au profit des étudiants francophones.
Face aux exigences accrues et à la forte concurrence dans la société, les établissements universitaires doivent eux-mêmes « évoluer radicalement » avec des stratégies de formation plus « compatibles » pour bien s’adapter à la nouvelle situation, a affirmé Huynh Dang Chinh, vice-recteur de la HUST, lors de son discours inaugural. Le Professeur a aussi rappelé « la profonde coopération » entre son école et l’AUF depuis les premiers pas de cette agence au Vietnam. « Membre de l’AUF depuis 1992, l’AUF figure parmi nos partenaires stratégiques avec une richesse de projets déployés au sein de la HUST et au profit des étudiants, enseignants et chercheurs de notre université. Nous avons reçu le soutien de l’AUF pour développer des programmes de formation francophones et enrichir de nombreux programmes d’échange avec des établissements d’enseignement supérieur français », a souligné le vice-recteur. D’ajouter également que le séminaire « a bien répondu aux demandes des étudiants francophones au Vietnam, de ceux de la HUST en particulier ».
En effet, en plus des enseignants, le séminaire a aussi associé « des partenaires francophones vietnamiens et francophones venant du milieu économique » et qui « contribuent au développement du pays », a mis en relief le Prof Laurent Serment, directeur Asie-Pacifique de l’AUF. Ce dernier s’est impressionné d’« une croissance incroyable » de l’économie vietnamienne en 2023 dans une conjoncture économique mondiale complexe. Et selon lui, « le secteur de la technologie et de l’ingénierie contribuent activement à cette croissance ». Sans oublier de rappeler que « les sciences d’ingénieurs sont au cœur du développement du pays ». « Ce dont le Vietnam a besoin, c’est de l’augmentation des compétences pour tirer son identité et sa puissance sur la carte géopolitique et géoéconomique mondiale. Et c’est la montée des compétences des travailleurs qui est l’élément crucial pour ce développement durable », a-t-il constaté.
Renforcer les soft-skill
Les interventions de dirigeants et recruteurs des entreprises présentes à cette rencontre se sont rejoints sur l’importance des soft-skills pour les candidats, afin qu’ils puissent se démarquer. « Les hard-skills, autrement dit, les compétences techniques, peuvent être examinées par des tests. Vous êtes capables de les perfectionner à l’université, sur les sites d’apprentissage, etc. Par contre, les soft-skills requièrent un long processus d’entraînement, d’amélioration. C’est un chemin d’efforts sans relâche où vous devez apprendre les compétences de communication, le sens du contact, ou même de rédaction d’un email, par exemple », a fait part Trân Van Hoàng, directeur Technologie de Pentalog Vietnam.
Toujours à ce sujet, Huynh Dang Bao Khoa, vice-directeur de la manufacture Nestlé Bông Sen Vietnam, a insisté sur la capacité de présentation devant un public. « Vous êtes forts, vous êtes intelligents mais vous n’arrivez pas à manifester vos compétences devant autrui. Cela ne servira à rien », a remarqué l’entrepreneur. C’est un fait que les étudiants en ingénierie paraissent moins dynamiques et flexibles que ceux en commerce ou en management. C’est pour cette raison que « les futurs ingénieurs devront s’entraîner davantage à présenter leur projet ou leur travail à l’école », selon M. Bao Khoa qui a conseillé aux jeunes de « choisir la matière, la spécialité qui les intéressent le plus » qui leur donne « de la confiance ». Car « on ne fait mieux que ce que l’on aime ».
« Les étudiants peuvent demander de l’aide auprès de leurs professeurs », a souligné Nguyen Xuan Truong, directeur du FabLab installé au sein de l’USTH. « De nos jours, la relation enseignant-étudiant a bien évoluée. Les deux parties peuvent discuter plus librement. Les enseignants veulent la participation des étudiants à leurs projets et inversement, les étudiants peuvent faire partie de groupes de recherche et de travaux pratiques de leurs professeurs », selon M. Truong. « Les jeunes doivent être plus proactifs dès leurs premières années sur les bancs de l’amphithéâtre », a-t-il conclu.
Langues étrangères, un moyen d’intégration
Le séminaire était consacré exclusivement aux étudiants francophones en ingénieurs. Et cette particularité est due au fait que la plupart d’entre eux sont plurilingues. Outre le français, les étudiants de ces filières doivent apprendre obligatoirement l’anglais. « Une fois avoir maîtrisé la langue de Molière, vous trouverez plus facile d’apprendre une autre langue étrangère. Un avantage exceptionnel pour les étudiants francophones », a confié Lê Hùng Cuong, directeur général adjoint de FPT digital, aussi ancien étudiant de la filière francophone de la HUST, qui s’est installé en France pour son master, son doctorat et son travail dans une entreprise de technologie. « À retenir qu’apprendre une langue, c’est apprendre une nouvelle vie, une nouvelle culture, un nouvel esprit de travail, ici c’est celui des Français et des Francophones », a souligné M. Hùng Cuong.
Néanmoins, les programmes de formation en ingénieur francophones exigent des étudiants de la persévérance et une capacité de travail hors du commun. « Parfois, cela semble un vrai casse-tête pour les apprenants », a admis Hoàng Thi Kim Dung, directrice du Programme de formation PFIEV, filière du génie aéronautique de la HUST. « En revanche, cette formation permet aux étudiants de bien maîtriser deux langues étrangères, à côté d’un programme technique de qualité », selon Mme Kim Dung.
Et le fruit de tous ces efforts inlassables sera de bons emplois dans des entreprises internationales ou multinationales. « Les ingénieurs capables de parler anglais et français sont une valeur sûre pour les recruteurs. Leurs capacités sont très recherchées », a déclaré Nguyên Trong Dông, directeur technique de Freyssinet Vietnam.
« Nous sommes toujours en quête des jeunes diplômés anglophones, bien évidemment car nous sommes une entreprise multinationale. Mais s’ils parlent français, c’est effectivement un bonus », a partagé Trân Viêt Vu, ingénieur-principal chargé du Data Management de Socotec Vietnam.
Concilier la passion et la tendance
Les intervenants ont discuté des compétences nécessaires, des opportunités et des défis du marché du travail. Mais l’élément le plus important qu’ils ont été unanimes à mettre en valeur, c’est toujours la passion et la motivation des futurs ingénieurs. « Ne choisissez pas votre parcours par défaut mais ce qui vous convient le mieux avec vos savoir-faire et votre savoir-vivre », a conseillé M. Sermet. Cette idée a su convaincre les étudiants présents au séminaire, dont quelques-uns demeurent hésitants sur le chemin à suivre pour l’avenir.
« J’ai suivi la formation en technologies de l’information pendant trois années chez la HUST. C’était un choix de ma famille. Mais moi, je ne m’y suis pas intéressé. Chaque jour où je devais aller à l’école, c’était pénible. J’ai passé mes examens sans passion, sans aucune orientation future », a raconté Luong Hông Phong, actuellement étudiant en première année de la filière du génie aéronautique. « À un moment, j’ai décidé de retourner à la case départ. Depuis mon adolescence, je ressens une vive passion pour les avions et le secteur aéronautique. Après avoir abandonné les trois années d’études, j’ai participé au concours d’entrée à la filière aéronautique de la HUST. C’est un programme en anglais et français. Et c’est ainsi que je me retrouve moi-même », a confié le jeune homme. « Ce séminaire m’a donné plus de confiance en le chemin que j’ai choisi. Et j’espère construire mon avenir avec toutes les connaissances à l’université et toutes les compétences que je peux puiser dans la vie », s’est-t-il réjoui.
Nul doute que les recommandations et conseils venus des représentants du monde académique et des entreprises seront une boussole pour les futurs ingénieurs au seuil de leur entrée sur le très compétitif marché du travail.
« Je voudrais adresser ce message à vous, les étudiants. Vous devez avoir une vision claire de votre carrière. La vie professionnelle se divise en tranches et c’est vous qui devez prévoir celles de votre vie professionnelle pour choisir le meilleur chemin », a terminé M. Sermet.
(Le Courrier du Vietnam)