Rassemblant près de 320 millions de locuteurs, appris comme langue étrangère sur tous les continents, langue dans les échanges internationaux, numériques et commerciaux, le français demeure souvent perçu dans sa dimension de langue de culture, alors que c’est aussi une grande langue des affaires. Quelles en sont les dynamiques ? Quelles en sont les perceptions ? Quelles en sont les réalités ? Quelle est la situation au Liban ? Qu’apporte le fait d’être francophone aujourd’hui dans un monde économique où l’anglais prédomine ? Quelle est la situation de l’usage du français dans une grande entreprise internationale au Liban ? La maîtrise professionnelle du français est-elle un gage d’employabilité au Liban en 2023 ?
A l’occasion du Mois de la francophonie 2023, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a réuni de grands employeurs, cadres dirigeants régionaux d’entreprises mondialisées, autour d’une table ronde, le 15 mars, au Centre d’Employabilité Francophone (CEF) de Beyrouth, autour de la question « Le français, langue de l’emploi ? ».
Cette table ronde a évoqué les compétences recherchées par les employeurs que sont ces grandes entreprises mondialisées, le rôle de la langue française dans les opportunités d’emplois, les opportunités au Liban en temps de crise, ou encore les emplois à distance concernant les francophones.
Dans son mot d’introduction, le Directeur régional de l’AUF Moyen-Orient, Jean-Noël Baléo, animateur du débat, a rappelé que les pays qui ont effectivement le français pour langue officielle ou qui connaissent une pratique significative de la langue française représentent une part très significative du PIB mondial et que le français est considéré comme la 3ème langue des affaires après l’anglais et le mandarin, devant l’espagnol et l’arabe, même si les perceptions sont souvent différentes et que les entreprises utilisent massivement l’anglais et les anglicismes. Il a également souligné que « la question ce n’est pas de parler français à la place de l’anglais dans une communauté des affaires davantage tournée vers l’anglais, mais c’est d’avoir ou pas cet avantage comparatif de la compétence de pouvoir communiquer en français vers d’autres horizons et notamment de l’Afrique ».
Adrien Béchonnet, Directeur général et Country Chair de TotalEnergies Liban a exprimé de son côté que « l’anglais est un moyen de communication que tout le monde doit avoir » tandis que la langue française est aujourd’hui « un élément indispensable pour se différencier ».
Marie-Hélène Héry, Directrice de la Chambre de Commerce et d’Industrie France Liban a confirmé que le français est un atout indéniable dans le sens que si la langue française n’est pas la langue d’affaires par excellence, elle peut faire une différence.
Pour sa part, Laure Daynié, Directrice Liban d’Air France KLM et Présidente du Comité des Conseillers du Commerce extérieur de la France, a souligné que « la langue française véhicule la qualité, le patrimoine, les valeurs… C’est une langue synonyme d’excellence. A Air France, dans un recrutement, on choisirait celle qui parle français entre deux personnes à compétences équivalentes ». Toutefois, elle avoue, évoquant le Liban, qu’ « il faut travailler davantage sur le marketing des avantages d’être francophone et rassembler un collectif pour cela ».
Quant à Antoine Ghazal, Directeur général de Saint-Gobain Pays du Golfe, il a fait part de son expérience personnelle avec un passage dans les grandes écoles françaises dans son parcours académique inscrit dans une logique de continuité après des études au Liban. Il a également insisté sur le privilège d’être trilingue et francophone dans le monde des affaires, et sur les nombreux avantages que possèdent les francophones en termes de compétences à faire valoir sur le marché du travail, au Liban, mais également dans la région.
Le débat, auquel le public présent a largement participé, a connu de nombreux prolongements sur les questions de souveraineté linguistique, de lien entre langue et identité, entre langue et structure de la pensée, de qualité de l’éducation notamment au Liban, des conséquences négatives à long terme que provoque le secteur des publications scientifiques où l’anglais prédomine, de niveau de maîtrise de la langue que ce soit d’ailleurs le français ou l’anglais, ou encore de comparaison avec l’usage de l’anglais qui n’est plus aujourd’hui un avantage comparatif car considéré comme plus ou moins acquis par les employeurs.
Enfin, la situation du Liban a été au centre des échanges, entre qualité du niveau éducatif qui demeure mais n’est jamais acquise et multilinguisme arabophone, francophone et anglophone qui est au cœur de l’identité du pays.