Lamia Benhabib : coordinatrice du Consortium International Egalité Femme-Homme de l’AUF pour l’Université de Mostaganem

Photo Lamia Benhabib Bis

Lamia Benhabib est maîtresse de conférences à l'Université de Mostaganem et chercheuse associée au Laboratoire GPES (Université de Tlemcen). Ses travaux de recherche portent sur l’analyse du marché du travail algérien (politiques emploi, chômage, inégalités et discriminations) au regard de l’âge et du genre notamment. Elle est intervenue dans divers projets initiés par le gouvernement algérien et les organisations internationales (PNUD, GIZ) en tant que consultante en genre. Elle est coordinatrice au sein du Consortium International pour l'Egalité Femme-Homme de l'AUF.

1 / À quel moment dans votre parcours académique avez-vous été sensibilisée aux études de genre ?

Je me suis intéressée depuis mon très jeune âge aux questions d’égalité et de justice sociale, particulièrement en ce qui concerne les catégories les plus vulnérables. N’ayant pas eu l’occasion de développer ces sujets-là durant mon parcours scolaire et universitaire, je me suis orientée vers des formations à l’éducation citoyenne et à l’exercice de la citoyenneté des femmes, initiées par des acteurs de la société civile (associations et ONG). Les connaissances acquises dans ce cadre ont fait que mon intérêt à la question de l’égalité Femmes-Hommes grandisse.

Durant la préparation de ma thèse de Doctorat portant sur l’analyse économique du marché du travail algérien, cette question s’est imposée à moi au vu des inégalités multiples auxquelles sont confrontées les femmes dans le monde professionnel. L’indispensable nécessité de comprendre la source de cette répartition économique différenciée a donné lieu à des travaux pionniers en Algérie traitant de l’évaluation de la discrimination à l’embauche fondée sur le genre au travers d’une expérimentation de type testing1.

1 Benhabib L. et Adair P. (2017), Inégalités et discrimination à l’embauche sur le marché du travail algérien, Revue Française d’Economie, XXXII (2), pp. 107-134.

2 / À votre avis, quel est l’impact des études de genre pour l’égalité Femmes-Hommes ?

Les études de genre visent la sensibilisation sur les sujets d’égalités entre les femmes et les hommes et la prise de conscience des préjugés et des stéréotypes qui peuvent être véhiculés sur ces questions. Elles donnent par ailleurs de la visibilité à des réalités muettes en mettant en évidence les différentes formes de discrimination et de violence dont sont victimes les femmes et les groupes minoritaires, et propose également des stratégies de résistance pour les combattre, en mettant l’accent sur les droits humains.

Les études de genre contribuent largement à cultiver un sens de l’initiative pour appréhender la réalité de l’inégalité femme-homme, d’y faire face et de tenter d’améliorer les choses.

3 / À quels défis avez-vous été confrontée dans votre carrière de chercheuse ?

Mon choix du métier de chercheuse n’est apparu que tardivement suite à une reconversion professionnelle du monde de l’entreprise vers celui de la recherche scientifique. J’ai donc été confrontée à un double défi ; réussir cette réorientation professionnelle d’une part et donner une dimension académique à la question de l’égalité Femmes-Hommes à laquelle j’étais sensible d’une autre part.

Mes travaux de recherche se trouvant à l’intersection entre l’Economie du travail et l’Economie des discriminations, il apparaissait moins aisé de donner de la valeur et de la légitimé scientifique aux questions d’égalité de genre souvent confrontées à des résistances tant implicites qu’explicites.

Cette thématique a toutefois pris un tournant moins critique ces dernières années sous l’impulsion des objectifs de développement durable (ODD) adoptés par l’ONU et qui accordent à la question de l’égalité des sexes une importance notable à travers notamment l’ODD5 « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».

S’agissant de mon statut d’enseignante universitaire, intégrer la question de l’égalité aux propositions pédagogiques constitue un défi de taille. Transmettre les connaissances et les outils qui permettent aux étudiant.e.s de contribuer à créer une société juste et égalitaire reste un devoir en dépit des difficultés et/ou réticences auxquelles on peut se heurter.

En définitive, mon parcours atypique a démontré que la femme-chercheuse a toute sa place quel que soit le domaine et le chemin parcouru. Seule la volonté de réussir compte.

4 / Pourquoi soutenez-vous le projet du Consortium Égalité Femmes Hommes soutenu par l’AUF ?

Quel que soit notre statut, porter attention à la question de l’égalité Femmes-Hommes est essentiel. Dans le cadre universitaire, elle constitue un droit fondamental mais c’est aussi un facteur de productivité et de bien-être au travail. Ce projet du Consortium International EFH offre une opportunité de positionner l’égalité Femmes-Hommes au coeur du développement des établissements membres et les accompagne à devenir, progressivement, des campus en transition vers la responsabilité sociale et vers la durabilité. En effet, l’université, de par sa position d’acteur neutre et fiable au sein de la société, a un rôle majeur à jouer dans la réalisation des ODD en préparant l’ensemble de la communauté à relever les défis de l’égalité entre les sexes (ODD 5), mais aussi ceux du bien-être au travail (ODD 3), de l’éducation de qualité (ODD 4), du travail décent (ODD 8) et de la réduction des inégalités (ODD 10).

À titre personnel, rejoindre le Consortium International EFH s’inscrit en continuité de mes activités de recherche dédiées à cette thématique et l’occasion de poursuivre mon engagement en faveur de l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes en Algérie.

5 / Quels sont les conseils que vous donneriez à des jeunes filles qui souhaitent s’orienter vers les sciences et la recherche ?

Le choix des filières de formation découlent sur des différences de répartition occupationnelles et salariales entre les femmes et les hommes. Il est en ce sens important d’encourager les jeunes filles à s’orienter vers les filières qui les passionnent au-delà des stéréotypes de genre traditionnels qui les cantonnent à des métiers dits féminins. Il est ainsi nécessaire d’intervenir dès le plus jeune âge ; les programmes d’éducation et de formation doivent encourager et permettre aux filles et aux garçons de s’engager davantage dans des domaines d’études non stéréotypés dans le but de réduire la ségrégation sectorielle et professionnelle et briser les causes porteuses d’inégalités.

Mes conseils à ces jeunes filles seraient certainement de croire en leurs capacités, de ne jamais se décourager ou abandonner face à la difficulté. Il pourrait aussi être utile de se faire accompagner par des associations oeuvrant pour la promotion des parcours de femmes dans les sciences (Femmes et Sciences, Femmes ingénieures, Femmes et mathématiques, Elles Bougent, Femmes du numérique, Femmes@numérique, etc.), ou encore de s’inspirer de l’expérience de toutes ces femmes scientifiques qui peuvent leur servir de modèles ou de « mentors ».

 

Date de publication : 07/03/2022

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