A l’occasion de la Journée internationale des Femmes 2025, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) vous propose de partir à la rencontre de femmes engagées et inspirantes qui façonnent le monde francophone à travers une série de courts interviews et portraits. Trois questions à Johanna Hawari Bourjeily, fondatrice et directrice du Centre professionnel de médiation de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), partenaire de l’AUF, et membre de la Commission Médiation et Gestion des conflits de l’AUF.
Quelles circonstances vous ont conduite à épouser une carrière dans la médiation ?
Après l’obtention d’un diplôme d’études approfondies (DEA, ex-Master 2) en droit pénal et d’un diplôme de criminologie de l’Université Assas – Paris II (France), j’ai passé mon certificat d’aptitude à la profession d’avocat. C’est au cours de ma carrière d’avocate pénaliste à la Cour d’Appel de Paris que j’ai rencontré, par hasard, la médiation. En effet, je devais défendre une jeune femme de 21 ans accusée de coups et blessures et, le procureur, au regard de la nature de l’infraction, a proposé de soumettre au préalable ce cas à la médiation. Ce fut une révélation pour moi. Car, ce processus humaniste avait permis à la fois à la victime d’être entendue et reconnue dans sa souffrance et, à l’auteure du préjudice de prendre conscience des conséquences de son passage à l’acte et ainsi de se responsabiliser.
Pleinement acquise à cette cause, j’ai alors suivi une formation pour devenir médiatrice auprès de l’Institut de formation à la médiation et à la négociation de l’Institut catholique de Paris et du Centre de médiation et de formation à la médiation de Paris. Depuis ce jour, la médiation ne m’a plus quittée et a représenté à mes yeux, une voie à emprunter, celle de la non-violence.
En 2006, vous avez fondé le Centre professionnel de médiation à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Quel rôle lui avez-vous donné ?
Le Centre professionnel de médiation (CPM) a pour mission de promouvoir une culture de la non-violence et d’ancrer une éducation à la paix au Liban et au Moyen-Orient et ce, à travers la médiation comme outil de transformation sociale.
Le CPM a trois axes d’actions : il est à la fois un centre de formation, de médiation et un incubateur de projets, développés en collaboration avec des institutions nationales et internationales engagées telles que l’AUF, ONU Femmes, etc.
Il forme tant des professionnels provenant de divers secteurs de la société, que d’étudiants des universités libanaises et régionales, à travers le partenariat avec l’AUF, ou des élèves-médiateurs au sein des écoles publiques et privées au Liban.
Par ailleurs, des médiateurs professionnels diplômés du CPM sont mis à la disposition des citoyens pour les aider à prévenir et résoudre leurs tensions et conflits à l’amiable. Les médiateurs sont impartiaux et neutres et agissent dans un cadre éthique et déontologique.
Pouvez-vous partager une anecdote marquante où la médiation a vraiment changé le cours des choses ?
Au lendemain de la guerre de juillet 2006, le CPM, en collaboration avec l’Association Médiateurs sans Frontières et le Mouvement Social libanais, a mis en place un projet regroupant 75 jeunes âgés de 14 à 20 ans de confessions et de régions différentes. Je me souviens en particulier de deux groupes de jeunes provenant de villages voisins dans le sud du Liban qui refusaient de se parler et de se rencontrer en raison de leurs divergences politiques et communautaires.
Notre travail de médiateur a consisté à créer des espaces neutres et confidentiels de dialogue et d’écoute afin de les inciter à exprimer leurs ressentis, angoisses et appréhensions. Puis, nous les avons aidés à aller les uns vers les autres sans jugement ni a priori.
À l’issue de ce projet, ces jeunes qui se diabolisaient sans même s’être rencontrés ont fini par nouer une belle amitié basée sur la compréhension mutuelle, le dialogue constructif et le respect de la différence.
La commission Médiation et Gestion des conflits de la Conférence régionale de Recteurs de l’AUF – Moyen-Orient en bref
Créée en 2024, cette commission est composée d’experts dans le domaine de la médiation, dans l’optique de former des artisans de paix et de promouvoir les valeurs de droits humains.
Pour ce faire, elle organise des actions de sensibilisation et des formations à la résolution pacifique des conflits, à la médiation humanitaire et politique. Ces initiatives s’adressent à l’ensemble de la communauté universitaire incluant les étudiants, enseignants et personnels administratifs.
Les activités de la Commission sont menées en collaboration avec des centres et institutions spécialisés, contribuant ainsi au développement d’un réseau de chercheurs engagés dans l’enrichissement de pratiques et de connaissances dans le domaine de la gestion amiable des différends.
En savoir plus sur l’engagement de Johanna Hawari Bourjeily au sein du Centre professionnel de médiation.