Éliane Choueiry, chercheuse au sein de l'Unité de génétique médicale de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), a bénéficié d'un soutien de l'AUF dans le cadre de ses recherches sur une maladie génétique rare : la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Nous l'avons rencontré.
En quoi consiste votre projet de recherche ?
Nous avons choisi de travailler sur une maladie génétique rare, la maladie de Charcot-Marie-Tooth, qui affecte une personne sur 2500. Cette pathologie affecte les nerfs périphériques conduisant les messages du système nerveux central vers les membres. Elle se traduit par des troubles de la marche, des faiblesses musculaires et des déformations des pieds qui s’aggravent lentement avec l’âge. Le terrain de recherche au Moyen-Orient, caractérisé par un taux élevé de consanguinité, est propice à l’identification de nouveaux gènes et au développement de traitements.
La principale difficulté avec cette maladie réside dans le fait qu’environ 90 gènes en sont responsables, rendant d’autant plus difficile son identification. Auparavant, il fallait 10 ans pour identifier un gène. Depuis 7 ou 8 ans, de nouvelles machines permettent d’étudier l’ensemble des gènes d’un individu en 2 ou 3 jours. Cependant, malgré cette évolution, l’interprétation des résultats demeure très compliquée.
En collaborant avec une équipe française, déjà équipée et surtout formée à l’utilisation de ce matériel, ce projet visait en grande partie à former l’unité de recherche libanaise qui venait de se doter du même type de machines. Aussi, nous voulions transférer le savoir libanais à nos collaborateurs tunisiens, palestiniens et algériens qui travaillaient dans leurs unités de recherche en s’appuyant sur d’anciennes méthodes qui devaient être consolidées.
Plusieurs étudiants ont été mobilisés sur ce projet. Que leur a-t-il apporté ?
Les mobilités qu’ils ont pu effectuer dans le cadre de ce projet leur ont permis de s’ouvrir à d’autres techniques dans d’autres régions. Cela leur a également permis de publier des articles dans de meilleures revues scientifiques. Certains se sont même inscrits en doctorat suite à leur participation à ce projet.
Ce projet a-t-il permis de renforcer les liens entre les différents partenaires impliqués ?
Notre réseau existait déjà mais il a été renforcé à travers ce projet, notamment avec la Palestine et la Tunisie. Nous avons tissé des liens forts avec le partenaire palestinien et nous avons accueilli une de ses doctorantes pour la former à de nouvelles techniques. D’autre part, nous avons pu introduire l’analyse du séquençage à haut débit grâce au laboratoire de génétique d’Aix-Marseille Université, et nous sommes désormais le seul laboratoire du Moyen-Orient à maîtriser cette technique. Le laboratoire d’Aix-Marseille Université a quant à lui pu bénéficier du recrutement de familles avec des pathologies génétiques à travers cette collaboration.
Comment avez-vous entendu parler de l’AUF ?
Je connaissais l’AUF car j’ai été boursière de cette agence pendant mes études. L’AUF permet aux étudiants et aux chercheurs de financer et de coordonner différents types de projets liés à l’éducation ou à la création de partenariats avec d’autres pays. Par exemple, nous avons bénéficié de fonds pour monter des Écoles doctorales d’été destinées aux étudiants de pays d’Afrique francophone. Par ailleurs, il y a aujourd’hui une relation spéciale qui s’est établie entre l’Unité de génétique médicale de l’USJ et l’AUF.
Que pensez-vous du rôle de l’AUF au Moyen-Orient dans l’appui à la recherche ?
Au Liban, le CNRS libanais mis à part, nous n’avons pas de fonds pour la recherche et même s’il en existe à l’USJ, ils ne sont pas suffisants. D’un point de vue personnel, j’ai pu bénéficier d’une bourse de mobilité de l’AUF pendant mon parcours académique ce qui m’a permis d’effectuer des stages dans différents domaines et d’être formée à diverses techniques, et donc d’avoir accès à une formation très complète. Dans le cadre d’un Projet de coopération scientifique inter-universitaire (PCSI) soutenu par l’AUF, outre le fait de pouvoir financer des stages et des mobilités, il est très intéressant de pouvoir faire collaborer plusieurs universités de manière équitable.
Aussi, le fait de mettre en place ce type de projets collaboratifs avec des pays francophones du Sud, où il y a encore beaucoup à faire pour la génétique, nous pousse à aider d’autres unités de recherche mais aussi à être aidés nous-même. Nous sommes donc dans une réelle dynamique d’échange.