Dans le cadre de la célébration de la Fête de la Francophonie au Maroc-2012, le Colloque sous le thème : « Le multilinguisme comme outil dinsertion socioprofessionnelle pour les jeunes marocains » qui vient de se tenir à Rabat, le 28 mars, à linitiative du Ministère marocain des Affaires Etrangères et du Bureau Maghreb de l’Agence universitaire de la Francophonie a jeté la plus vive lumière sur la place privilégiée du français dans le monde du travail au Maroc en même temps quil a fait état de la pratique, à la fois séculaire et très vivante, dune pluralité linguistique harmonieuse mise au service des activités de production et de négoce. Loin donc de confirmer lidée reçue selon laquelle langlais viendrait prendre la place de toutes les autres langues dans lindustrie, les services et domaines de pointe, cette rencontre de responsables politiques, de chefs dentreprise et de chercheurs universitaires a montré que le Maroc polyglotte se porte bien, quoique le besoin dun effort pédagogique renouvelé se fasse de plus en plus vivement sentir face aux carences linguistiques des nouvelles générations.
Sur la photo, de gauche à droite :
Si, ouvrant le préambule du programme, conçu par Mme Lamia Radi, Directeur de la Coopération et de lAction Culturelles au Ministère des Affaires Etrangères, une formule tranchante du roi Hassan II (« Je tiens que dans le monde contemporain celui qui ne parle quune seule langue est un analphabète ») posait demblée la nécessité culturelle du multilinguisme, les exposés et débats qui ont rempli la journée en ont, souvent à partir de données statistiques ou de témoignages personnels directs, démontré lutilité comme « outil dinsertion sur le marché du travail ».
Un premier panel, plus directement lié à la question de lembauche, a voulu placer des décideurs, présidents ou directeurs généraux de sociétés, devant linterrogation : « pourquoi une pluralité linguistique en matière professionnelle ? » et a fait apparaître la criante inégalité des chances séparant les candidats aptes à sexprimer couramment en français, anglais et espagnol de ceux dont les diplômes ne témoignaient que daptitudes purement techniques. Il ne suffit pas dêtre ingénieur, il faut encore, si lon veut monter dans la hiérarchie de lentreprise, être capable de parler, outre larabe et les idiomes locaux (comme lamazigh et le darija, ce dernier étant de plus en plus utilisé dans la publicité), les langues européennes, à commencer, naturellement (puisque nous sommes au Maroc) par le français. Déjà cependant certains, parmi les plus ambitieux ou les plus prévoyants des jeunes diplômés, ajoutent le chinois à leur panoplie linguistique. Loin donc de croire, comme le voudrait lidéologie néolibérale, que lactuelle « lingua franca » va ou peut simplifier la situation en faisant bon marché de la diversité linguistique et culturelle, les représentants de lentreprise préconisent louverture et la polyphonie au nom même du pragmatisme et en vue de la séduction des clientèles étrangères.
Le second panel devait répondre à la question, plus difficile peut-être, des manières de réussir ce pluralisme linguistique dont lévidence a été largement attestée par la première table ronde. Plus difficile parce que diverse selon les situations et les lieux. Des universitaires, venus de lEst européen (Bulgarie Roumanie), ont rendu compte de lhistoire de ladhésion de leurs institutions à la francophonie, voire à lAUF, ainsi que des raisons qui les ont poussés, à titre individuel, à faire le choix du français et qui les incitent, aujourdhui, dans un contexte international nouveau, à en encourager lapprentissage auprès des étudiants. Dans son intervention, Mme Michèle Gendreau-Massaloux, a insisté, au passage, sur la fécondité des modules dintercompréhension dans lapproche pédagogique de la pluralité linguistique, cette expérience commune ou plus encore ce vécu commun aux peuples de la Méditerranée. Quant à la spécificité du plurilinguisme marocain, il a appartenu à Mme Lélia Messaoudi, de lUniversité de Kénitra, den dresser le tableau nuancé, doù il est ressorti, comme de tout le colloque, que la francophonie a de solides raisons dêtre fêtée au Maroc.
Cristina Robalo-Cordeiro
Lire le porgramme du Colloque :