Ramia Al Bakain est professeure à l’Université de Jordanie. Elle est bénéficiaire d’un projet de recherche PCSI sélectionné en 2018 pour une subvention de 20 000 €, concernant une nouvelle technique pour identifier et éliminer les résidus pharmaceutiques des eaux usées municipales.
Ce projet est établi en partenariat avec l’Université Claude Bernard Lyon 1 et l’Université de Balamand (Liban).
Nous l'avons rencontrée.
En quoi consiste votre projet de recherche ?
Mon projet porte sur une nouvelle technique verte pour identifier et éliminer les résidus pharmaceutiques des eaux usées municipales.
Les méthodes et techniques actuellement mises en œuvre pour identifier et quantifier les composés chimiques dans l’environnement (eau, nourriture, air, etc.), consomment d’énormes quantités de composés organiques toxiques qui se propagent dans l’environnement et augmentent la pollution. Ce projet a une double vocation, préserver l’environnement en remplaçant les méthodes analytiques actuelles par une autre méthode plus écologique pour l’analyse chimique, et développer un nouvel adsorbant comme filtre servant à traiter les eaux usées, pouvant être utilisé plus tard à des fins agricoles.
Quels sont les résultats obtenus jusqu’à présent ?
A travers ce projet:
Premièrement, nous avons réussi à développer une méthode verte pour identifier les produits chimiques contenus dans une matrice d’eau. Cette méthode est rapide, efficace et simple.
Deuxièmement, comme nous le savons, les produits chimiques de la matrice d’eau pénètrent dans le corps humain par la chaîne alimentaire. Ainsi, non seulement un dépistage d’eau a été effectué mais nous avons également travaillé sur les plantes qui consomment et absorbent de l’eau tel que le persil. Il est donc important d’évaluer la composition des plantes herbacées comme technique indirecte pour mesurer la composition chimique de l’eau puisque les plantes de persil transfèrent les substances chimiques par irrigation. Nous avons choisi le persil qui est une plante dont la consommation est élevée dans les pays partenaires de ce projet.
Pour la première fois, une comparaison de la composition du persil a été menée parmi des agriculteurs jordaniens, français et libanais. Ce travail de recherche a été réalisé par notre étudiant en Master Moayad Alhyasat. Son mémoire de master a été réalisé sous la supervision de 3 enseignants (français, jordanien et libanais). Il a réussi à soutenir son mémoire en 2020 après son retour de France. A notre connaissance, ce mémoire est le premier en son genre en Jordanie, et n’aurait pu être réalisé sans l’appui très apprécié de l’AUF qui a financé les mobilités de Moayad et des membres de l’équipe vers et depuis la France / le Liban et la Jordanie pour collecter des échantillons, effectuer l’analyse et mener les travaux expérimentaux.
Troisièmement, un autre étudiant de troisième cycle mène des travaux de recherche dans le cadre d’un projet financé par l’AUF et sous une supervision libanaise et jordanienne. Ses travaux portent sur l’identification et la quantification des composants chimiques de l’eau et des sédiments du port de Tripoli en comparaison avec le port du golfe d’Aqaba en utilisant la même méthode que nous avons développée. Jusqu’à présent, les résultats de la thèse qu’il prépare sont satisfaisants.
La dernière phase de ce projet, après l’identification de la composition chimique de la matrice d’eau en utilisant la méthode verte, consiste à synthétiser le nouvel adsorbant qui servira au traitement des eaux usées pour éliminer les résidus pharmaceutiques.
Comment avez-vous entendu parler de l’AUF et pourquoi vous êtes-vous tournée vers l’agence ?
Je suis diplômée de l’Université Pierre et Marie Curie, Paris. De retour en Jordanie, je me suis mise à chercher des associations et des agences académiques françaises en Jordanie et dans la région. J’ai contacté l’Ambassade de France en 2016, et Madame Salwa Nacouzi et Madame Hind Milkawi m’ont parlé de l’AUF et du projet PCSI. J’ai directement réalisé que je pourrai à travers l’AUF et cette opportunité atteindre mes objectifs : 1) mettre en place une nouvelle collaboration académique non seulement dans le domaine de la recherche scientifique entre la Jordanie, le Liban et la France, mais aussi au niveau de la supervision dans les programmes de troisième cycle. 2) Monter un nouveau projet commun de long terme pour les projets de recherche et la supervision de la recherche de troisième cycle en Jordanie, au Liban et en France.
A travers l’appui de l’AUF, pour la première fois, une supervision commune pour un nouveau master a été mise en place pour les études de troisième cycle entre le Liban, la Jordanie et la France en plus d’une collaboration au niveau de la recherche entre des chercheurs des pays cités.
Que pensez-vous du soutien de l’AUF au Moyen-Orient dans l’appui à la recherche ?
Les idées pour mettre en place un travail de recherche sont toujours présentes à l’esprit, mais il faut un incubateur.
– L’AUF joue le rôle d’incubateur et soutient les chercheurs et étudiants pour réaliser leurs idées et les transformer en résultats concrets.
– D’autant plus, réunir 3 pays en un seul projet contribue non seulement à l’échange d’expertise mais également à élargir le champ des recherches et à travailler sur plusieurs volets en parallèle permettant ainsi d’obtenir plus de résultats en peu de temps.
– L’AUF contribue à réaliser le rêve des étudiants qui sont impliqués dans le projet de se rendre en France et au Liban pour apprendre une nouvelle technique scientifique et analytique, et visiter les deux plus beaux pays européens et méditerranéens du monde.
– En effet, l’AUF nous a aidés à passer de la supervision locale à la supervision internationale des étudiants de 3ème cycle en Jordanie. A notre connaissance, les étudiants jordaniens impliqués dans ce projet sont les premiers à bénéficier d’une supervision française, libanaise et jordanienne. Cela pave la voie à une nouvelle ère et à un nouveau programme de supervision des étudiants de Master et de doctorat en Jordanie.
Quel avenir à votre recherche et à l’équipe de travail après l’arrêt du soutien de l’AUF ?
Le projet financé par l’AUF constitue pour nous la base de plusieurs autres projets qui pourront être entamés dans l’avenir entre les membres des différentes équipes internationales.
La collaboration entre les membres des différentes équipes se poursuit. A l’issue de ce projet, nous prévoyons de monter un nouveau projet avec notre partenaire libanais dans les secteurs de l’eau et de l’environnement et un 2ème projet avec notre partenaire français sera prochainement lancé.
Un conseil aux étudiants qui hésitent à se lancer dans le domaine de la recherche ?
La recherche vous apprend à être patient.
La recherche vous apprend à être créatif.
La recherche vous apprend à être sage.
La recherche vous apprend à penser sans idées préconçues.
La recherche vous apprend à être indépendant.
La recherche vous apprend à être fort.
Avec toutes ces caractéristiques, vous serez prêts à aller de l’avant et faire une différence.