Nibras AL CHEHAYED: La recherche aide à déconstruire certains schémas de pensée qui entravent notre créativité

Nibras photo

Dans le cadre des mobilités doctorales soutenues par l’AUF Moyen-Orient, Nibras AL CHEHAYED a bénéficié d’un appui de 2015 à 2018 pour avancer sur sa thèse en Philosophie dont le sujet est « Le corps et son écriture entre Nietzsche et Derrida ». Il a obtenu son doctorat le 19 mars 2018, de l’Ecole Nationale Supérieure en France. Actuellement, il occupe le poste de Chercheur à l’Institut Francais du Proche-Orient (IFPO).
Nous l'avons rencontré.

En quoi consiste votre projet de recherche ?

Je me suis inscrit en thèse à l’École Normale Supérieure de Pairs en 2015 et j’ai soutenu ma thèse en 2018. Mon but était d’esquisser des pistes philosophiques qui me permettront de traiter de l’étrangeté corporelle. Dans ce cadre, j’ai choisi d’examiner la question du corps dans son rapport à l’écriture chez Friedrich Nietzsche et Jacques Derrida – le premier ayant exercé une influence cruciale sur le second – en raison de la place fondamentale qu’ils accordent à l’étranger en soi.

 

Qu’apporte votre étude de nouveau ?

J’ai abordé l’écriture de Nietzsche et de Derrida comme une écriture du corps, d’abord dans la mesure où leurs textes accordent une place centrale au corps. Mais aussi, dans la mesure où ils prennent le corps comme un paradigme d’écriture : Nietzsche et Derrida déploient un nombre important de métaphores empruntées à la corporalité pour penser la tâche même de l’écriture, comme celles de la danse, du sang et de la sexualité. Mais en tant que dynamique de trace selon Derrida, l’écriture, dans son acception large, permet aussi d’envisager un troisième sens de l’écriture du corps. Il s’agit d’aborder le corps lui-même en termes d’écriture : une page pour inscrire les traces, et de même un lieu de l’absent qui marque profondément le présent du corps, perturbant ainsi l’identité à soi. La petite nouveauté de mon projet réside, me semble-t-il, dans le fait de développer une lecture de Nietzsche et de Derrida qui consiste à accentuer la « corporalisation » de l’écriture ainsi que la « textualisation » du corps.

 

Encouragez-vous les collègues de votre génération à s’investir dans le domaine de la recherche ?

Absolument, s’investir dans la recherche est à mon avis une activité inévitable pour penser et vivre dans un monde en pleine mutation. La recherche pourrait donner à inventer de nouvelles manières d’être au monde, à reconsidérer les valeurs, et à déconstruire certains schémas de pensée qui entravent notre créativité et empoisonnent notre imagination.

 

Comment avez-vous entendu parler de l’AUF et pourquoi vous êtes-vous tournés vers l’agence ?

En tant qu’étudiant je connaissais les activités de l’AUF et les possibilités précieuses qu’elle offrait aux étudiants. Ainsi j’ai voulu tenter ma chance et j’ai candidaté pour une mobilité doctorale. Avec l’aide à la mobilité doctorale et mon travail partiel dans le domaine de l’édition et de la traduction j’ai pu joindre les deux bouts et réussi à rédiger ma thèse de doctorat.

 

Que pensez-vous du rôle de l’AUF au Moyen-Orient dans l’appui à la recherche?

La présence de l’AUF au Moyen-Orient est une nécessité pour faire de la recherche dans une langue autre que l’arabe et l’anglais. Une langue n’est pas uniquement un moyen de communication, mais conditionne nos manières d’habiter le monde, avec ce qu’elle représente en termes de traditions et d’histoire et ce qu’elle ouvre d’horizons. En intensifiant son rôle et sa présence, l’AUF pourra créer un nouvel équilibre universitaire dans la région et garantir sur la scène internationale l’excellence de la recherche en langue française.

 

Parlez-nous de votre rôle de chercheur au sein de l’IFPO ?

J’ai récemment obtenu une bourse postdoctorale du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020, ayant comme instituts d’accueil l’université Paris Diderot (laboratoire CERILAC) et le CNRS (laboratoire IFPO). À l’Institut français du Proche-Orient, j’organise avec Emma Aubin-Boltanski et Jean-Christophe Peyssard le séminaire de l’ANR Shakk, intitulé « Le corps entre mots et images », et deux journées d’études qui portent sur le même sujet. Et avec Pauline Koetschet et Guillaume de Vaulx d’Arcy, nous avons créé le pôle Philosophie de l’Ifpo. Ensemble, nous organisons un séminaire intitulé « Créer – détruire – disparaître ».

Date de publication : 04/12/2019

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