Dima Alsajdeya remporte le Prix de la meilleure thèse francophone et vise à la transformer en un ouvrage

Dima Alsajdeya

Le jury du Prix de thèse sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans 2024 du Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) Moyen-Orient et mondes musulmans et de l’Institut d’étude de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) a désigné les lauréats pour cette année.
Trois prix thématiques et quatre mentions ont été décernés, ainsi que deux prix du GIS MOMM et de l’IISMM et cinq mentions spéciales.
Le prix de la thèse francophone attribué par l’AUF au Moyen-Orient, a été décerné à la franco-palestinienne Dima Alsajdeya, pour sa thèse intitulée : La politique étrangère égyptienne sous Moubarak et la question israélo-palestinienne (1981-2011) : au-delà d’un levier de puissance (dir. Julian Fernandez et Henry Laurens, 2023, Université Paris-Panthéon-Assas et Collège de France).
Nous l'avons rencontrée.

En quoi consiste votre projet de recherche ? Et Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir ce sujet de thèse en particulier ?

Mon travail de thèse vise à comprendre la place qu’occupe la question israélo-palestinienne et le rôle qu’elle joue en tant qu’outil de politique étrangère au service du régime égyptien, durant la présidence de Hosni Moubarak (1981-2011). Le choix de ce sujet de thèse résulte notamment d’une perception préconçue concernant le traitement de la question palestinienne dans l’Égypte contemporaine, qu’il convenait de rectifier, d’autant plus que ce travail n’a jamais fait l’objet d’une monographie détaillée en arabe, anglais ou français. En effet, la période précédant celle couverte par la thèse a fait l’objet de nombreux travaux, puisque c’est sous le mandat d’Anouar al-Sadate (1970-1981) que sont signés les accords de paix égypto-israéliens (1979) et qu’émerge réellement l’Organisation de libération de la Palestine loin de la tutelle égyptienne qu’exerçait Gamal Abdel Nasser. En comparaison, la période couverte par ce travail est souvent réduite à une inertie diplomatique, voire à un immobilisme. Or, ce que ces recherches ont permis de souligner est qu’au contraire, la question israélo-palestinienne va progressivement occuper une place centrale dans la fabrique de la politique étrangère égyptienne, jusqu’à en devenir à la fois un facteur de puissance et conduire à sa déstabilisation sur la scène intérieure.

Quelles ont été les principales conclusions ou découvertes de votre recherche qui vous ont le plus marquée ?

Afin de rendre compte des mécanismes concrets et de l’évolution de la politique étrangère égyptienne, ses outils et ses fonctions en ce qui concerne le dossier israélo-palestinien, deux arguments principaux sont mobilisés dans cette thèse : sur l’ensemble de la période de Moubarak et jusqu’à sa chute en 2011, la question israélo-palestinienne représente un générateur de pouvoir pour le régime égyptien en ce qu’elle permet de repositionner, et de maintenir, l’Égypte au cœur des jeux de pouvoir dans la région. Elle constitue également une source principale de rente, stratégique et diplomatique, liée aux bénéfices et privilèges octroyés à l’Égypte du fait de sa situation géostratégique et de son rôle pionnier dans l’établissement d’un traité de paix avec Israël et dans sa gestion de la question israélo-palestinienne de manière générale. La question israélo-palestinienne est également un facteur de déstabilisation pour le régime égyptien nécessitant une forme toute particulière de diplomatie essentiellement sécuritaire, notamment à partir du début des années 2000 et du déclenchement de la deuxième Intifada. L’importance progressive accordée aux services de renseignement généraux (al-mukhabarat al-’ama) est, en ce sens, révélatrice des rapports de force internes de l’État égyptien et d’une vision « sécurisatrice » de la question palestinienne. Elle nourrit le débat sur la construction d’une politique étrangère menée par des acteurs sécuritaires et permet de confirmer l’hypertrophie des services de sécurité à l’échelle régionale comme un nouvel usage diplomatique. Cette vision de la question palestinienne comme source de déstabilisation a été confortée à la suite du coup de force du Hamas dans la bande Gaza en 2007 renforçant la primauté de la composante sécuritaire au détriment de la composante politique et contribuant ainsi à marginaliser les droits nationaux des Palestiniens.

Encouragez-vous les étudiants du Moyen-Orient à s’investir dans le domaine de la recherche ?

La recherche scientifique est un travail de longue haleine. Il faut de la patience, de la persévérance et beaucoup de travail. En sciences humaines et sociales, les raisons qui peuvent pousser un chercheur à explorer des domaines et des sujets aussi délicats que celui traité dans ma thèse sont multiples et ne sont jamais le produit d’un instant : un intérêt scientifique pour les sujets abordés, pour les pays concernés, ou bien les deux. Parfois, il s’agit aussi d’une volonté personnelle de contribuer à une cause et à écrire son histoire. Lorsqu’on s’en sent capable, il ne faut jamais hésiter.

Comment avez-vous entendu parler du Prix de Thèse et pourquoi avez-vous postulé ?

J’ai postulé au prix de l’AUF dans le cadre des prix de thèses Islam Moyen-Orient et Mondes Musulmans (IMOMM) 2024, un concours organisé par le Groupement d’Intérêt Scientifique Moyen-Orient et Mondes Musulmans (GIS MOMM) et l’Institut d’étude de l’Islam et des Sociétés du Monde Musulman (IISMM). Ce prix constitue une reconnaissance inestimable de mon travail et de mon parcours de recherche. Par ailleurs, la reconnaissance d’excellence d’un travail est sans doute un moyen de le distinguer et de favoriser sa publication le plus rapidement possible notamment lorsque ce travail est jugé pertinent et original. Aussi, j’ai à cœur de transformer cette thèse de doctorat en un ouvrage afin de permettre de dialoguer avec les différents champs d’études dans lesquels elle s’inscrit et de valoriser la recherche francophone sur une région largement dominée par la production anglophone.

Connaissiez-vous l’AUF ? Que pensez-vous de son rôle dans l’appui à la recherche ?

En 2012, j’ai participé au 1er Forum mondial de la Langue française qui s’est tenu à Québec au Canada. L’AUF était l’un des partenaires de ce forum et c’est à cette occasion que j’ai pris connaissance de ses activités et de ses actions. Son rôle dans l’appui à la recherche est, à mon sens, indispensable dans la région ; aussi bien les programmes doctoraux qui visent à soutenir la formation doctorale en l’adaptant aux besoins de la région que la promotion de la recherche au Moyen-Orient en soutenant des projets et des équipes de recherche régionales en sont des exemples phares. Enfin, la valorisation des travaux des chercheurs de la région, comme c’est le cas de ce prix de thèse, est également une démarche louable.

Date de publication : 11/07/2024

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