Le concours « Ingénieuses'16 » de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), promeut les formations et les métiers de l'ingénierie auprès du public féminin. Le Prix de l’élève ingénieure a été ouvert pour la première fois cette année aux étudiantes inscrites dans une école d’ingénieur-e-s membre de l’AUF au Maghreb. Sabrina Belbouche, étudiante à l'École Nationale Polytechnique d'Oran (Algérie) a été récompensée.
Le concours Ingénieuses de la Conférence des Directeurs d’Ecoles Françaises d’Ingénieurs (CDEFI) promeut les formations et les métiers de l’ingénierie auprès du public féminin, lutte contre les idées reçues et les stéréotypes de genre, et favorise l’égalité femmes-hommes et suscite des vocations d’ingénieures chez les jeunes filles. Plusieurs types de prix sont attribués chaque année dont le Prix de l’élève ingénieure.
En 2016, avec le soutien de l’AUF, ce prix a été ouvert pour la première fois aux étudiantes d’Algérie, du Maroc et de Tunisie. L’étudiante désireuse de remporter ce prix devait prouver, par son parcours académique, ses ambitions professionnelles et son investissement associatif – notamment en faveur de l’égalité femmes-hommes, qu’elle agissait déjà en ambassadrice de sa discipline.
45 candidatures ont été reçues au Bureau Maghreb de l’AUF. Mme Sabrina Belbouche de l’École Nationale Polytechnique d’Oran (Algérie) a été récompensée. La lauréate d’origine algérienne, inscrite dans un Master recherche en Mécanique à l’Ecole Nationale polytechnique d’Oran , a participé à la remise des prix officielle, organisée le 19 mai 2016 à Paris, au Ministère des Affaires sociales et de la Santé.
Entretien avec Sabrina Belbouche, gagnante du Prix élève ingénieure-Maghreb 2016 et Abdelbaki Benziane, Directeur de l’Ecole Nationale Polytechnique d’Oran.
Sabrina Belbouche, gagnante du Prix élève ingénieure-Maghreb 2016.
Lauréate du prix de l’élève ingénieure-Maghreb 2016, pouvez-vous nous faire part des motivations qui ont guidé votre choix d’entreprendre des études d’ingénieur ?
Je me suis lancée dans cette carrière car je m’intéresse depuis longtemps à la mécanique. J’ai reçu le soutien de ma famille qui m’a encouragée à suivre ma passion pour les systèmes mécaniques. À l’École Polytechnique d’Oran, j’ai pu m’inscrire à trois formations en parallèle (ingénieur, master recherche, formation d’ingénieur entreprendre).
Vous êtes membre de plusieurs associations valorisant la place des femmes dans les sciences. Qu’est-ce qui vous a conduit à mener un tel combat ?
Je suis profondément convaincue que les femmes ont de réelles compétences pour embrasser des carrières scientifiques internationales passionnantes d’autant que les défis de nos sociétés nécessiteront de solides connaissances dans ces domaines. Ainsi, c’est plus que jamais le bon moment pour les femmes d’investir largement le champ des sciences et techniques, domaine dans lequel elles sont d’ailleurs très demandées, sans compter que la diversité des approches constitue un facteur favorable pour l’innovation dans la recherche. J’ai choisi de mener ce combat pour accomplir des actions positives pour mon école et pour la société algérienne.
Que diriez-vous à une jeune bachelière qui hésite au moment de s’inscrire dans une école d’ingénieurs ?
Si je devais convaincre cette jeune fille, je lui dirais d’oser suivre ses envies, de ne pas écouter les sous-entendus et de ne pas prêter attention aux clichés liés aux métiers d’ingénieur. Surtout j’insisterai sur le fait qu’elle ne doit pas s’empêcher d’entamer ces études car elle a tout pour y arriver !
Quels sont vos projets professionnels et pensez-vous que ce prix aura un impact sur votre parcours ?
L’un de mes principaux souhaits repose sur la poursuite de mes études jusqu’à l’obtention du doctorat. Mon rêve serait de faire partie d’une équipe de recherche en biomécanique dans un centre de recherche. J’aimerais beaucoup y apporter un plus.
Abdelbaki Benziane, Directeur de l’Ecole Nationale Polytechnique (ENP) d’Oran
Alarmée par une grave désaffection des jeunes filles françaises pour les sciences et les technologies de manière générale, et pour les formations d’ingénieur-e-s, la CDEFI a initié le concours « Ingénieuses’16 » voilà quelques années. La situation est-elle identique en Algérie ?
L’Algérie connaît une tendance similaire à la France mais pour des raisons différentes. De fait, les étudiantes algériennes privilégient les sciences exactes ou de la nature et de la vie ou encore optent pour des études en lettres, en sciences humaines et sociales, car ces dernières peuvent ouvrir des débouchés vers l’enseignement (primaire, moyen et secondaire). Chaque année, les bachelières affluent en nombre vers les Écoles Normales Supérieures. Il devient nécessaire d’engager une étude internationale pour comprendre la désaffection des femmes pour les filières technologiques même si en pourcentage, les rapports sont différents d’un pays à l’autre.
Pouvez-vous nous dire quelles stratégies ont été élaborées dans votre école pour inverser la tendance ?
À l’École Nationale Polytechnique d’Oran (ENPO), qui assure en majeure partie des filières de sciences et de technologies, la tendance est autour de 35 % de filles et 65 % de garçons. Nous considérons que ce taux est appréciable comparativement à d’autres établissements universitaires technologiques. Rapporté aux différents cycles d’études, il est de 41 % en moyenne pour le premier cycle, de 29 % pour le second cycle et enfin, de 28 % pour le troisième cycle. L’École cherche à augmenter ce taux notamment à travers des journées portes ouvertes pour les futur(e)s étudiant(e)s : les filières technologiques sont présentées différemment en insistant sur la place majeure de la simulation dans la formation. Il s’agit de présenter un panel des métiers actuels et futurs qui s’offrent aux étudiant(e)s une fois leur diplôme décroché. Il est important de rappeler que l’enseignement des filières technologiques a beaucoup évolué et que l’effort physique qui était exigé dans certaines spécialités telles que la mécanique, le génie civil, l’automatique, n’est plus d’actualité.
Mme Belbouche inscrite à l’ENP d’Oran est membre de plusieurs associations de promotion des profils « féminins » d’ingénieurs. L’associatif vous semble-t-il un bon moyen de sensibiliser/mobiliser autour de ces questions ? Quels autres mécanismes avez-vous déployé dans ce domaine ?
L’ENPO a inscrit dans son plan de développement la démarche d’encouragement à la création d’associations scientifiques, culturelles et sportives d’un côté et à la création de clubs scientifiques de l’autre. Une priorité est, de fait, accordée aux associations de promotion des profils féminins d’ingénieur. Nous croyons que ces associations peuvent jouer le rôle de levier de sensibilisation et de mobilisation autour de la perception des filières technologiques par les étudiantes.
Nous avons mis en place un plan d’action recouvrant des rencontres, des journées portes ouvertes, des relations intensifiées avec le secteur économique pour mieux améliorer la perception des métiers technologiques (actuels et futurs) qui peuvent être assurés sans difficultés et sans complexes par les deux genres. Une démarche de communication est également appréhendée pour mieux encadrer et enregistrer des avancées dans ce domaine.
Cet encouragement du genre féminin est développé y compris dans les postes de responsabilité administrative et scientifique. À titre d’exemple, 40 % des postes de responsabilité sont occupés par le genre féminin au niveau de l’ENP d’Oran.
Consulter l’article : « Cérémonie Ingénieuses’16 : trois écoles récompensées, deux élèves ingénieures et une femme ingénieure primées »: www.auf.org/bureau/bureau-europe-de-l-ouest/