Tina NIKOUKHAH est titulaire d’un diplôme d'ingénieure Ensimag en mathématiques appliquées et informatique de l’Institut polytechnique de Grenoble et actuellement doctorante en traitement d'images au Centre Borelli (ex-CMLA), à l’ENS Paris-Saclay. Elle a remporté, en juin dernier, le Prix du meilleur contenu scientifique dans la catégorie "Technologies, Digital, espace, sécurité, robotique" du Concours "Conter et rencontrer les sciences" 2021. Cet événement met en valeur les meilleurs productions de médiation et de vulgarisation scientifique ; il est organisé par l'AUF Europe de l'Ouest.
En tant que lauréate du concours du meilleur contenu de vulgarisation scientifique de l’AUF « Conter et Rencontrer les Sciences », dites-nous-en plus de votre proposition, de ses inspirations et de ce qu’elle signifie pour vous
Je travaille en traitement d’images et mon sujet de recherche est la détection de falsification d’images numériques. Pour ce concours, j’ai proposé un article sur mon sujet de thèse que j’ai écrit pour la revue de culture scientifique interstices.info : https://interstices.info/les-traces-de-compression-pour-detecter-les-photomontages/
Cet article m’a permis d’expliquer et d’illustrer à mon entourage ce sur quoi je travaille ; mais il permet aussi aux utilisateurs des outils que je développe, de comprendre la démarche de recherche scientifique et le fonctionnement de ces méthodes.
Je développe des algorithmes utilisés sur tous types d’images numériques et plus particulièrement sur des contenus truqués (photomontages, deepfakes) issus des
réseaux sociaux. Ces méthodes sont directement utilisés par des journalistes, via un outil de l’Agence France Presse (AFP) ) et par le grand public, via la plateforme de démo ipol.im. Le traitement d’images est un domaine très commun dans la vie de tous les jours, mais aussi très mal connu. Il s’agit d’une mine d’inspiration pour du contenu de vulgarisation scientifique ! En effet, ce domaine qui est à la frontière entre les mathématiques et l’informatique, englobe de nombreux domaines : la photographie numérique, les algorithmes de retouche photo ou vidéo, la reconnaissance d’objets, l’imagerie médicale, l’imagerie satellitaire, l’analyse et le traitement vidéo, etc.
Un autre article que j’ai apprécié rédigé pour cette revue en ligne concerne les étapes permettant d’obtenir une image numérique. La photographie plaît beaucoup, mais on ne s’attarde pas toujours sur le rôle des mathématiques et de l’informatique dans cette activité. Dans cet article, on trouve une introduction à la chaîne de traitement d’une image numérique. Le contenu est proche de celui du programme scolaire de Sciences Numériques et Technologie (SNT) au lycée.
Quel est votre intérêt, en général, pour la médiation scientifique ? Que représente cette thématique à vos yeux ?
Un des buts de mes travaux est de créer des outils scientifiques pour aider les gens à lutter contre la désinformation. Cependant certaines informations ont beau être prouvées comme fausses, il y aura toujours des personnes qui continueront à y croire. Je pense qu’un moyen contre la désinformation est l’augmentation de la culture scientifique.
La médiation scientifique permet cela en rendant la science plus accessible. En effet, elle traduit le langage d’experts pour des non-experts. Cela est également utile pour partager entre différents domaines, car beaucoup de sujets sont en fait pluridisciplinaires.
Avez-vous d’autres projets personnels qui vous tiennent à cœur ?
Un sujet qui me tient particulièrement à cœur est d’essayer de « corriger » les fausses idées que certaines personnes se font des mathématiques. Je pense qu’il est important de partager et de sensibiliser le public à l’intérêt des mathématiques.
Tout d’abord, les mathématiques ne se résument pas à savoir compter ou à calculer des pourcentages ; et je pense qu’être capable de suivre un raisonnement mathématique permet de suivre un raisonnement dans la vie. Les mathématiques sont le langage qui nous permet de dialoguer avec le monde qui nous entoure : de comprendre les phénomènes physiques jusqu’à contrôler des objets.
Je comprends que tout le monde ne souhaite pas poursuivre une carrière où les mathématiques sont utilisées directement. Cependant, le problème est que le manque
d’intérêt dans cette matière peut mener à du non-sens, à des erreurs et pour revenir à mon sujet de thèse : à de la désinformation. On voit trop souvent de grosses erreurs d’interprétation de graphiques, de pourcentages ou même de raisonnement dans les médias. Cela conduit à de la manipulation d’information non intentionnelle certes, mais tout de même dangereuse.
Vous paraît-il essentiel de savoir que les carottes sont des légumes qui sont cultivés dans la terre ? Il me semble tout aussi important de savoir que les photos prises
quotidiennement par vos smartphones sont des matrices qui subissent une multitude d’opérations mathématiques.