Un nano matériel fascinant à propriétés contradictoires a été créé par une équipe internationale de scientifiques de la République de Moldova, d’Allemagne, d’Italie et d’Australie. Les recherches se sont déroulées sous la direction de M. Ion Tighineanu, Directeur du Centre National d’Etudes et Essais des Matériels de l’Université Technique de Moldova et d’un professeur de l’Université de Kiel, Allemagne.
L’internationalisation de la recherche, l’implémentation de ses résultats pratiques dans la vie de la société actuelle, ainsi que la sensibilisation des jeunes à la recherche sont parmi les actions prioritaires mises en place par l’AUF en faveur du développement de la recherche en République de Moldova.
Dans l’interview ci-dessous, M. Tighineanu décrit les principales propriétés du nano matériel et nous partage son opinion envers l’implication des jeunes dans la recherche et le domaine de la recherche en République de Moldova.
Pourriez-vous faire une courte description du nano matériel et de ses principales propriétés ?
Il s’agit d’un nano-matériel qui possède deux propriétés absolument différentes, même contradictoires, un matériel qui est à la fois hydrophile et hydrophobe. C’est un matériel constitué de tétrapodes avec des cavités ou quatre bras qui sont vides à l’intérieur, les murs des bras étant très fins, avec une épaisseur de nanomètres. La superficie latérale des bras du tétrapode a des propriétés hydrophobes alors que la base de chaque tétrapode est hydrophile. Le matériel est ultraléger et ressemble beaucoup à un gel. Il a un très haut degré de porosité (plus de 99% étant de l’air). Nous avons nommé ce matériel Aerogalnit : aero parce qu’il a beaucoup d’air, galnit – provient du nitrure de gallium qui est un matériel très important pour l’électronique moderne. L’aerogalnit a donc des propriétés très intéressantes :
- C’est le premier matériel inorganique qui a des propriétés duales hydrophiles et hydrophobes similaires à la membrane cellulaire ;
- Il peut être utilisé dans la nano micro robotique, dans la construction des microrobots ou des composantes des microrobots ;
- Ce matériel peut être dirigé à l’aide des champs électrique et magnétique. Une goutte de liquide habillée dans une chemise d’aerogalnit a un mouvement rectangulaire à la surface de l’eau, tournant à une vitesse très grande de jusqu’à 750 rotations par minute et pourrait constituer un bioréacteur ;
- Nous avons prouvé que le nitrure de gallium est biocompatible et que les nanoparticules du nitrure de gallium pénètrent les cellules vives. Par conséquent, nous pouvons influencer les processus qui ont lieu dans les cellules vives grâce au fait que nous pouvons influencer les nanoparticules, et les nanoparticules, à leur tour influencent, les processus de la cellule ;
- Ce matériel est très important pour l’utilisation en biomédecine. Vu qu’il a une structure nano tubulaire, le mur interne étant hydrophile et le mur externe étant hydrophobe, à l’intérieur de la cavité on peut introduire des médicaments qui, par un mouvement dirigé, pourraient être transportés vers une cible ;
- Sous l’action de la lumière, le nitrure de gallium peut décomposer des substances organiques. Cela signifie qu’étant distribué à la surface de l’eau ce matériel pourrait trouver les substances organiques polluantes et les décomposer en purifiant, de cette façon, l’eau ;
- Vu que nous avons appris à diriger ces propriétés, nous pouvons maintenant élaborer un matériel où une des propriétés pourrait dominer. Si les propriétés hydrophobes dominent, le matériel, étant imprégné dans un tissu, peut rejeter l’eau, alors que si les propriétés hydrophiles dominent, le tissu, au contraire, va absorber l’eau.
Ce nano matériel est le fruit du travail d’une équipe internationale de chercheurs. Comment a été construite cette équipe de chercheurs et comment êtes-vous arrivé à travailler avec des chercheurs d’Allemagne, Italie et Australie ?
Avec les chercheurs d’Allemagne et d’Australie nous travaillons déjà depuis 20 ans. Notamment pour ce travail nous avons aussi associé une équipe de chercheurs de Trento, Italie. Les principaux essais et recherches liés à l’interaction des fluides ont été réalisés au Centre National d’Etudes et Essais des Matériels de l’Université Technique de Moldova. Nous avons aussi étudié la structure atomique du matériel mais comme nous n’avons pas les équipements nécessaires nous avons utilisé l’expérience et les équipements de nos partenaires de l’Occident. Il s’agit d’une interaction synergique qui facilite le processus de la recherche.
Quels ont été les défis rencontrés au cours de ces recherches ?
Les défis ont été liés au fait qu’il s’agissait d’un domaine absolument nouveau pour nous, en République de Moldova, et c’est ici que nous avons sollicité l’implication des chercheurs italiens, parce qu’ils étaient plus proches du domaine des propriétés nano micros mécaniques des structures à une interaction avec les liquides.
Sinon, pour arriver à de tels résultats il faut beaucoup travailler. Il s’agissait d’une période où l’intérêt envers ces recherches était prioritaire. Heureusement, actuellement, sans te déplacer, il est possible de discuter avec les partenaires à travers des moyens de communication modernes par visioconférence, Skype. Nous utilisons ces technologies pour discuter nos actions ultérieures et tous les résultats de nos recherches sont enregistrés sous forme vidéo.
Comment voyez-vous le domaine de la recherche en République de Moldova et quelles seraient les pistes pour son développement ?
La recherche scientifique, surtout dans cette partie de l’Europe et en République de Moldova, a été basée sur l’enthousiasme. Mais dans le temps, l’achat des matériels et des équipements était devenu problématique par manque de ressources financières. Il n’est pas facile de trouver une solution à ce problème mais nous avons réussi, partiellement, grâce à l’association aux programmes européens. La République de Moldova est devenue un pays associé aux programmes européens à partir de janvier 2012 étant le premier pays de la Communauté des Etats Indépendants qui a réussi à s’associer aux programmes communautaires. Cette ouverture vers l’Europe a été utilisée au maximum par plusieurs équipes qui ont gagné des fonds qui ont permis de soutenir la mobilité des jeunes, l’achat d’équipements et qui nous ont permis d’apporter l’excellence dans la recherche en République de Moldova. Cette tendance d’intégrer l’espace européen de recherche et innovation est, selon moi, une approche correcte, car dans un espace plus large les possibilités sont aussi plus nombreuses. En Europe il y a des plateformes technologiques qui peuvent être utilisés par les équipes de différents pays ce qui nous permet de progresser, d’améliorer nos compétences en utilisant les possibilités européennes et de contribuer au développement de l’excellence dans la recherche dans nos laboratoires. De même, il s’agit de l’implémentation des résultats des recherches. Je pense que l’intégration européenne pourrait nous aider dans ce sens car je suis sûr qu’il y aurait des entreprises intéressées à installer des lignes de production en République de Moldova. De cette façon, il y aura une deuxième source de financement pour la recherche scientifique, en dehors des ressources budgétaires. Les entreprises pourraient investir dans la recherche pour, ensuite, implémenter les résultats des recherches.
Comment on pourrait motiver les jeunes à s’impliquer dans la recherche ?
Il y a quelques ans j’ai visité l’Université de Virginia aux États-Unis et une des choses apprises a été que les Etats-Unis se sont développés par la réplication des cas de succès. Je pense que chez nous aussi les équipes de recherche qui ont du succès doivent être médiatisées pour que les jeunes les connaissent aussi. Nous devons offrir aux jeunes la possibilité de se familiariser avec le processus de recherche. Par exemple, nous organisons des visites pour les élèves au Centre National D’Études et Essais des Matériels de l’Université Technique de Moldova, nous leurs montrons divers processus, nous leurs donnons des explications. Nous devons aider les jeunes à prendre conscience que la recherche suppose beaucoup de travail mais aussi qu’on peut avoir une carrière réussie dans la recherche. La recherche scientifique est un domaine actuel et le sera toujours car sans la science on ne peut pas développer de nouvelles technologies.
