A l’occasion de la Journée internationale des Femmes 2025, l’AUF a réalisé plusieurs courtes interviews de femmes engagées qui façonnent le monde francophone. Trois questions à Dr. Thai Huyen Nguyen, architecte-urbaniste et vice-directrice de l’Institut de Formation et de Coopération Internationale à l’Université d’Architecture de Hanoi, au Vietnam.
Œuvrant pour l’éducation francophone et la coopération académique entre la France et le Vietnam depuis 25 ans, Dr. Thai Huyen Nguyen vient d’être élevée au rang de Chevalier des Palmes académiques (un ordre honorifique français).
- Comment avez-vous été conduite à œuvrer en faveur de la coopération académique France-Vietnam ?
Mon aventure avec la langue française a commencé en 1997, lorsque je l’ai choisie comme langue étrangère à étudier à l’université. Deux ans plus tard, une bourse du gouvernement français m’a permis de vivre une expérience linguistique à Paris (France), un séjour qui a profondément influencé mon parcours. Cette expérience m’a incitée à poursuivre un Master francophone, qui est devenu le DPEA « Projet urbain, patrimoine et développement durable », une collaboration entre l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse, en France, et l’Université d’Architecture de Hanoi au Vietnam. Ce programme m’a ouvert la voie pour rédiger une thèse en aménagement de l’espace et en urbanisme à l’Université Bordeaux Montaigne (France) et embrasser la carrière académique.
Ce parcours a nourri ma passion pour l’enseignement et la recherche interculturelle, des domaines qui, chaque jour, me motivent à renforcer la coopération entre la France et le Vietnam.
Depuis 25 ans, j’ai eu le privilège de tisser des liens solides et durables entre nos deux pays, à travers l’enseignement supérieur, la recherche collaborative et des projets concrets en architecture, urbanisme et aménagement du paysage.
- Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés dans le développement de formations francophones en architecture et urbanisme ?
Le premier défi a été l’intégration des langues et des méthodes pédagogiques. L’enseignement en français, tout en étant un atout majeur pour l’ouverture internationale des étudiants, a parfois constitué une barrière, notamment pour ceux qui n’étaient pas entièrement à l’aise avec la langue. Au-delà de la langue, les modes de pensée, de fonctionnement, le décalage horaire, la distance géographique… sont des défis que tous les enseignants et les étudiants doivent surmonter.
Le deuxième défi est la place de la recherche dans le domaine de l’architecture, de l’aménagement et du paysage au Vietnam. Il s’agit de recherche-action, un concept à expérimenter et à développer dans notre domaine. Pour l’instant, il existe une grande différence entre la recherche au Vietnam et en France. Cela est notamment lié à la différence des structures institutionnelles. Par exemple, au Vietnam, nous n’avons pas de laboratoire de recherche en sciences sociales, et plus spécifiquement en architecture, aménagement et paysage. Cela reste à développer.
- Comment percevez-vous l’évolution de la Francophonie universitaire au Vietnam ?
L’évolution de la Francophonie universitaire au Vietnam a traversé une période particulièrement florissante et réussie depuis 1997, marquée par plusieurs générations d’enseignants et d’étudiants qui ont appris et utilisé le français dans leur carrière professionnelle. À cette époque, l’appui de l’AUF a joué un rôle clé. Mais les investissements dans les programmes d’enseignement du français au sein des universités vietnamiennes ont depuis diminué.
Cependant, certains établissements universitaires continuent de maintenir, voire d’élargir, leurs programmes de formation en français. Des institutions comme l’Université d’Architecture de Hanoï, où je travaille, en sont d’excellents exemples. À travers nos programmes de formation en français, nous avons pu non seulement maintenir cette tradition, mais aussi la développer, garantissant une formation académique et professionnelle solide et reconnue dans le cadre de la coopération internationale avec la France.
Aujourd’hui, il existe de nombreux défis à relever concernant le futur de la coopération universitaire francophone au Vietnam. Ils ont trait à la visibilité et la reconnaissance des valeurs de la recherche et l’enseignement en français, ainsi qu’à la gouvernance et à l’autonomie financière des formations francophones. Il est essentiel que la recherche et la formation francophones soient mieux reconnues et intégrées dans le système éducatif vietnamien pour maintenir leur attractivité et garantir un développement durable de cette coopération.
Pour aller plus loin
Publié sous sa direction et avec le soutien de l’AUF, l’ouvrage collectif Déchets recyclables à Hanoi, espace dynamique dans la ville a reçu le prix national de la publication scientifique en architecture par l’Association des Architectes du Vietnam.
Nous vous en en parlions déjà dans le magazine «La Diplomatie scientifique francophone face aux défis du développement durable », en juillet 2023 (cf. p18).