Du 8 au 10 avril 2025, l’AUF - Amériques a accueilli — en présentiel et en ligne — un atelier de formation à la publication scientifique, rassemblant des doctorant·e·s issu·e·s de ses huit universités membres dans les Amériques. Ces jeunes chercheur·euse·s ont été sélectionné·e·s à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt lancé en mars dernier, en préparation de la prochaine Université d’été de la Francophonie.
Trois jours pour décoder les codes de la publication
Durant trois jours, les participant·e·s ont bénéficié de 12 heures de formation intensive axées sur les enjeux, les codes et les bonnes pratiques de la publication scientifique. L’atelier a également permis de créer un espace d’échange entre doctorant·e·s de diverses disciplines, favorisant l’émergence de réseaux scientifiques francophones à l’échelle régionale.
Les doctorant·e·s ayant pris part à cette formation pourront soumettre un article original en français, qui sera évalué selon la méthode rigoureuse de la révision en double aveugle. Deux lauréat·e·s seront sélectionné·e·s pour passer à la deuxième phase du programme. Ils bénéficieront d’un accompagnement individualisé par des expert·e·s afin de perfectionner leur article, et seront invité·e·s à participer à l’UDEF à la fin du mois de juillet 2025.
Les participant·e·s ont été accompagné·e·s par deux formateurs aux profils complémentaires. Victor Armony est professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheur au Centre de recherches interdisciplinaires sur la diversité et la démocratie. Il a été le co-directeur du Laboratoire interdisciplinaire d’études latino-américaines et le rédacteur en chef de la Revue canadienne d’études latino-américaines et caraïbes.
À ses côtés, Sarah Boucher Guèvremont, rédactrice en chef de la revue Intervention, a partagé son expérience en matière d’édition scientifique. Titulaire de deux maîtrises en travail social et en anthropologie, elle a notamment travaillé sur les enjeux de gentrification et d’insertion en logement. Leur double expertise — académique et éditoriale — a permis d’aborder la publication scientifique sous des angles à la fois théoriques, méthodologiques et pratiques.
Les défis de la publication en français
Parmi les participants, Amabilly Bonacina, doctorante en science politique à l’Université de Montréal, a partagé son expérience et ses motivations pour participer à cet atelier. Non francophone d’origine, elle est en train de finaliser son premier article scientifique en français. « J’ai trouvé quelques difficultés pour comprendre le processus de publication francophone, la présentation de l’argumentaire, et aussi pour trouver des revues. Donc, quand j’ai vu l’atelier, j’ai trouvé que c’était une excellente opportunité », explique-t-elle.
Amabilly a déjà publié deux articles en portugais, mais c’est la première fois qu’elle se lance dans le processus de publication en français. L’article qu’elle prépare actuellement traite de la relation entre le développement socio-économique et la diplomatie scientifique, en particulier de la manière dont les pays émergents peuvent utiliser la diplomatie scientifique pour avancer leur développement. « C’est un peu difficile, surtout de trouver des revues. J’ai été refusée une fois, pour être hors portée, par exemple, mais il n’y a pas beaucoup de choix dans ma sous-discipline, donc ce n’est pas évident de se faire publier. », elle confie. Ce besoin d’être accompagnée dans la publication scientifique a été l’une des principales motivations qui l’ont poussée à s’inscrire à cet atelier.
Elle a particulièrement apprécié la partie de l’atelier sur le processus de soumission des articles, jugée technique mais essentielle pour une bonne compréhension des étapes. « J’ai aussi beaucoup aimé la discussion sur l’intelligence artificielle, qui nous a poussés à une réflexion éthique sur son usage dans la recherche. »
Pour Amabilly, les principaux obstacles à la publication en français sont clairs. « Trouver la bonne revue, c’est un défi, car il y a moins d’options dans tous les domaines scientifiques. De plus, il y a moins d’incitations pour publier en français, et les revues francophones sont parfois moins valorisées dans le parcours académique, même si elles sont aussi bonnes que les revues en anglais. » Elle se réjouit cependant de cette occasion qui valorise la publication scientifique en français : « Je suis vraiment contente que l’on ait échangé sur ce sujet lors de l’atelier. »
Stève Gwompo, doctorant en philosophie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a également partagé ses impressions sur l’atelier et l’importance de cet événement pour sa formation académique. Il explique : « J’ai toujours été un observateur des activités de l’AUF, et pouvoir pour une fois m’impliquer dans une des activités de formation offerte est pour moi une occasion unique. Participer à l’atelier sur la publication scientifique, c’est apporter une plus-value à mes acquis académiques et professionnels, afin de performer mon savoir-faire en matière d’écriture de textes scientifiques. »
Stève souligne la richesse de l’atelier à plusieurs niveaux, notamment la qualité des présentations des formateurs, qu’il a trouvées « assez digeste et transparente ». Il apprécie également le fait de rencontrer des participants d’autres formations académiques, ce qui a ravivé son intérêt pour l’interdisciplinarité. « Les approches méthodologiques, bien qu’issues de différentes disciplines, se rejoignent sur des points essentiels. Par exemple, la production d’un article scientifique doit toujours être soutenue par la question : « Quel est mon niveau d’engagement personnel, éthique et politique vis-à-vis de mon sujet de recherche ? Ce qui atteste, sous un certain angle, l’effet interdisciplinaire. »
Cependant, Stève met également en lumière les défis auxquels il est confronté en tant que jeune chercheur : « La publication d’articles scientifiques en français est un véritable défi, surtout avec la domination de l’anglais dans la recherche et la publication internationale. Il y a aussi le manque de ressources mises à disposition pour accompagner les publications dans les revues francophones. » Pour lui, ces obstacles sont plus des sources de motivation que des barrières : « Ces défis nous poussent à écrire davantage et à travailler pour la valorisation du français dans le monde scientifique. »
Cet atelier marque la première phase d’un dispositif mis en place en amont de l’Université d’été de la Francophonie (UDEF), qui se tiendra en juillet 2025 sous l’égide de l’Académie internationale de la Francophonie scientifique (AIFS). Son objectif : constituer un vivier mondial de jeunes chercheur·euse·s capables de publier en langue française dans toutes les disciplines scientifiques.