Randy Calame-Rosset a 24 ans et est actuellement dans sa dernière année de bachelor à la faculté des lettres de l’Université de Neuchâtel. En 2021, il a été juré du Choix Goncourt de la Suisse qui a élu Mohamed Mbougar Sarr pour "La plus secrète mémoire des hommes". Nous avons posé trois questions à Randy Calame-Rosset sur sa récente expérience au sein du Jury du Choix Goncourt de la Suisse.
1/ Vous avez été membre du jury du Choix Goncourt de la Suisse 2021*. Comment aborder cette responsabilité et réussir à faire entendre sa voix et son choix ?
Je ne saurai parler pour tout le monde, mais en ce qui me concerne, ce que j’ai voulu récompenser le plus dans les œuvres de ce Choix Goncourt, c’était bien le style ! Il y a eu bien des facteurs qui sont rentrés en compte afin de décider si tel ouvrage pouvait aller plus loin dans la sélection. Par exemple, certaines personnes montraient une tendance à vouloir favoriser les livres aux sujets audacieux et originaux, d’autres encore, ceux dont l’accessibilité, notamment au niveau de la langue, était facilitée, ce qui peut se comprendre dans un pays si polyglotte que le nôtre. Cependant, lors des débats, il m’a paru important de sacrifier à la qualité littéraire « pure », bien plus qu’à toutes autres choses. Heureusement, les débats, quoi que contradictoires, furent très bienveillants. Je dis « heureusement » mais un peu de passion incontrôlé ne m’aurait pas dérangé. Au moins, cela eut le mérite de permettre à qui le désirait de s’exprimer, d’être entendu, et d’être, je le crois, assez compris.
2/ Le Choix Goncourt international est maintenant organisé dans 29 pays et met à l’honneur la littérature francophone. Quels sont les attraits de ce prix littéraire auprès des étudiants qui y participent ?
Il me semble que l’un des attraits de ce prix fut moins lié à ce qu’il était qu’à ce qu’il rendait possible. Evidemment, ça n’est pas absolument vrai, cependant la perspective de se réunir avec d’autres passionnés de littérature et d’échanger à ce propos a été indéniablement attirant. A vrai dire, à mon petit désarroi, et un peu par ma faute aussi, se retrouver en lettres fut moins l’occasion de se regrouper et de créer autour de la littérature que ce que j’avais imaginé avant d’y être. Sinon, ce qu’il y a eu aussi de très intéressant dans ce prix, c’est tout simplement l’idée de découvrir la tendance littéraire de l’époque et du moment, ainsi que d’avoir un cadre pour le faire. On avait des échéances auxquelles se soumettre ce qui a été d’un encouragement non-négligeable. Et pour moi, amateur difficilement corrigible de « classiques », ce prix a, en quelque sorte, entamé une procédure de réconciliation entre mes préférences littéraires et la littérature contemporaine. Je compte la mener à son terme !
3/ Parmi la sélection 2021 de l’Académie Goncourt, quel a été votre coup de cœur littéraire ?
Mon coup de cœur a été le grand vainqueur de cette édition : « La Plus Secrète Mémoire des hommes » de Sarr. C’est notamment lui qui a permis le début de réconciliation dont il est question plus haut. J’ai trouvé que son style se mariait si impeccablement à l’aura mystérieuse du récit, qu’il réussissait à me tenir en haleine par le point de jonction infinitésimal des deux. Ce que je veux dire par là, c’est que l’un se fondait si bien dans l’autre pour qu’ils puissent être tout à fait jugé de manière autonome. Ce mariage ténu est précisément ce que revêt dans mon esprit l’idée de « bon livre », voire de « grand livre ». Cependant, d’autres romans furent très bons aussi. J’ai apprécié particulièrement « Le Voyage dans l’Est » de Angot ou encore « S’adapter » de Dupont-Monod. Ils n’ont absolument pas démérité, eux comme d’autres. Mais la synthèse opérée par Sarr est celle qui m’a le plus plu et convaincu de la qualité littéraire de l’œuvre.
*Initié en 2015, «Le choix de la Suisse» a pour objectif de promouvoir la littérature de langue française auprès des étudiants des quatre régions linguistiques, et de susciter le goût d’une lecture critique d’œuvres contemporaines à ces jeunes jurés des départements de langue, littérature et civilisation françaises des universités de Fribourg, Neuchâtel, Zurich, Berne, Bâle et Suisse italienne, ainsi que de l’École Polytechnique Fédérale de Zurich.
Parrainé par l’Académie Goncourt, le Choix Goncourt de la Suisse est un projet coordonné par l’Ambassade de France en Suisse, soutenu par l’Agence universitaire de la Francophonie – Europe de l’Ouest, Payot Libraire, l’AMOPA – Section de Suisse et la Fondation Catherine Gide.