Retour sur le PCSI porté par l’équipe Interaction Matière-Matière Procédés Membranaires de l’Université Hassan II Casablanca (2011-12)

Depuis 2005, l’AUF s’attache à renforcer l’espace de recherche au Sud par l’appui à des Projets de Coopération Scientifique Inter-universitaire (PCSI). Ces projets de recherche et/ou de formation ont un caractère multilatéral et concernent des domaines favorisant le développement. Les projets sont menés par un réseau d’un minimum de trois universités de pays différents membres de l’AUF, dont au moins une du Sud (Afrique centrale, Afrique de l’Ouest, Amérique du Sud, Asie-Pacifique, Caraïbe, Europe centrale et orientale, Maghreb, Moyen-Orient, Océan Indien).

C’est dans ce cadre que le Bureau Maghreb a soutenu, en 2011 et 2012, le projet intitulé « Développement des procédés membranaires pour la purification des rejets industriels pollués par des métaux lourds ou des composés organiques toxiques, la récupération et la valorisation de certains composés issus des mélanges industriels » coordonné par M. Hlaib Miloudi, responsable de l’équipe de l’équipe I3MP du Laboratoire LIME-Interface, Matière et Environnement du Département de Chimie de l’Université Hassan II de Casablanca. Ce PCSI a été monté en collaboration avec l’Université de Rouen (France) et l’Université de Nouakchott (Mauritanie). M. Miloudi a accepté de revenir sur cette expérience en répondant à quelques questions.

Entretien avec M. Hlaib Miloudi :

hlaibmiloudiBM-Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours ?

H.M-Docteur en Sciences Chimie Physique de l’Université Pierre et Marie Curie en 1986.
Docteur d’État en 1995, MC et PES à l’Université Hassan II de Aïn Chok Casablanca.
Responsable de l’équipe I3MP du Laboratoire LIME.
Responsable coordinateur : de conventions CNRST/CNRS (2003, 2004 et 2005), projet PCSI de l’AUF (2011 et 2012). Enseignant-Chercheur associé à l’Université de Rouen : PA: 1983 -1986, MC: 1993 – 1996 et PES: 2000, 2002 et 2004.
Missions de recherches au Laboratoire PBS du CNRS de la Faculté des Sciences de Rouen (2010 – 2012).
Direction des Travaux de recherches (CEA, DESA et Master).
Directeur et encadrant : trois thèses soutenues, deux thèses en phase de rédaction (une en co-tutelle et l’autre en co-direction avec l’Université de Rouen, boursiers du CNRST) et quatre thèses en préparation.
Rapporteur dans des Journaux internationaux (Sep and Puri Techno., Desalination, DWT, J. Hazardous Marerials, J. Env. Chem. Eng…).
Auteurs d’environ une centaine d’articles et communications, dans des Journaux indexés (F.I. élévé) et Manifestations Internationales (Comité de lecture), un brevet soumis.

BM-Quel a été précisément votre rôle dans ce projet PCSI ?

H.M-J’étais coordinateur des trois équipes qui participaient à ce projet PCSI financé par l’AUF, et responsable de l’équipe Interaction Matière-Matière Procédés Membranaires (I3MP) du Laboratoire LIME de la Faculté des Sciences Aïn Chock de l’Université Hassan II Casablanca. Dans un premier temps j’avais contacté les équipes française et mauritanienne pour avoir leur accord de participation. J’ai par la suite effectué toutes les démarches nécessaires pour rédiger et remplir le formulaire correspondant à ce type de projet et le soumettre à la commission des experts de l’AUF. Après accord favorable de cette commission, un contrat établi par le responsable de l’AUF a été signé par, le président de l’Université Hassan II Aïn Chock Casablanca, le responsable de l’AUF et moi-même et les travaux prévus dans le cadre de ce projet ont démarré. Mon rôle a consisté à superviser et à coordonner les travaux scientifiques des trois équipes, à analyser les résultats obtenus avec les autres co-responsables. J’ai aussi veillé, tout au long de la période de recherche, à ce que les travaux ne s’éloignent pas des objectifs fixés pour la réalisation de ce projet. D’autre part, j’étais responsable de l’organisation et de la gestion financière des stages, des missions et des déplacements des doctorants et des missionnaires qui participaient aux travaux réalisés dans le cadre de ce projet. Enfin, en tant que coordinateur, j’ai été chargé de dresser les bilans (administratif et scientifique), le premier à mi-parcours fin 2011 et le second final fin 2012, qui ont été transmis aux responsables de l’AUF.

BM-Quels étaient les objectifs qui ont présidé au lancement de ce projet PCSI ?

H.M-Le projet visait à développer la recherche fondamentale et appliquée sur les procédés membranaires de séparation et d’extraction, facilitées. L’objectif de notre étude était l’élaboration des méthodes à la fois efficaces et pratiques pour éliminer des polluants (comme les ions métalliques ou des substances organiques toxiques)dans les effluents industriels et surtout récupérer certains composés à valeur ajoutée à partir des solutions industrielles ou des produits chimiques purs à partir des mélanges renouvelables (agricoles) issus de la biomasse. Pour ce faire des procédés membranaires ont été utilisés car ces méthodes d’extraction et de séparation sont connues pour être économes en énergie et faciles à mettre en œuvre. Trois types de membranes ont été envisagés, les membranes liquides supportées (SLMs), les membranes polymères d’inclusion (PIMs) et les membranes polymères greffées (GPMs). Les ions métalliques ou les molécules, extraits des effluents pourront être revalorisés. La purification des solutions industrielles d’acide phosphorique, obtenues lors de l’hydrolyse du phosphate, pourra être aussi envisagée dans des conditions plus économiques énergétiquement.

BM-Sur quels résultats concrets ou inédits ce projet a t-il débouché ? A-t-il donné lieu à une nouvelle phase de recherche ?

H.M-Dans le cadre de ce projet une nouvelle phase de recherche a été développée, cette phase a consisté à l’élaboration, la caractérisation et l’utilisation d’une nouvelle génération de membranes, à savoir les membranes polymères greffées (GPMs), avec l’utilisation des nouveaux agents extractifs dans des conditions douces. Ce type de membranes a été utilisé avec succès pour l’élimination des ions Cr(III) et Cr(VI), la récupération des ions Ni(II) et Co(II) à partir des solutions acides industrielles. Il a également été montré que l’une de ces membranes a permis l’extraction et la récupération de certains principes actifs utilisés en industrie pharmaceutique. Ce type de membranes possède une importante stabilité par rapport à d’autres types de membranes et donc des éventuelles applications pour des processus d’extraction, de purification et de récupération dirigés. Cette phase de recherche nous a permis d’élargir nos champs d’investigation et de mener des nouveaux axes de recherche. Nous avons également été amener à envisager des éventuelles applications dans les industries agroalimentaire et pharmaceutique, tels que des processus de purification et de récupération par procédés membranaires (blanchiment du saccharose, décoloration des huiles alimentaires, récupération des principes actifs à partir des mélanges…).

BM-Vous mentionnez des possibles débouchés socio-économiques, ont-ils été atteints par ce projet ?

H.M-Les débouchés socio-économiques qui ont été atteints dans le cadre de ce projet de recherche en coopération, concernent surtout la formation de cadres hautement qualifiés (2 étudiants en master et 3 doctorants) dans les domaines des procédés membranaires. La formation pour l’élaboration, la caractérisation et l’utilisation des processus membranaires pour différentes applications dans les domaines industriels et environnementaux, est une spécialité peu développée dans les universités marocaines et mauritaniennes (pays du Sud). Ces spécialistes formés dans le cadre de ce projet seront d’une grande utilité pour les projets de développement durable, les laboratoires universitaires de recherche et les industries de ces pays. D’autre part, les travaux menés dans le cadre de ce projet ont permis l’élaboration d’une membrane spécifique dont l’utilisation a conduit à la séparation totale et spécifique des mélanges des solutions des ions Cr(VI) et Cr(III). Ces travaux ont été quantifiés, rédigés et déposés sous forme d’un brevet.

BM-Comment la collaboration s’est-elle engagée avec les Laboratoires de Rouen et Nouakchott. Pouvez-vous nous expliquer en quoi le caractère « inter-universitaire » a été un plus pour ce projet ?

H.M-En réalité, la collaboration entre nos différentes équipes existe depuis une dizaine d’années déjà car les deux autres co-responsables, Dr. L. Lebrun (français) et Dr. M. Chamekh (mauritanien) ainsi que moi-même, sommes diplômés de l’Université de Rouen. Nous avons ensuite effectué notre thèse dans le même Laboratoire (PBS) du CNRS de la Faculté des Sciences de l’Université de Mont-Saint-Aignan (France). Étant plus âgé que les deux autres co-responsables, j’avais déjà effectué les travaux relatifs à la préparation de ma thèse d’état marocaine en collaboration avec le laboratoire PBS de la Faculté des Sciences de Mont-Saint-Aignan. Dans le cadre de cette collaboration, j’avais occupé le poste d’enseignant-chercheur associé à plusieurs reprises nouant ainsi des relations avec les chercheurs de cette Unité de recherches du CNRS, parmi lesquels l’enseignant-chercheur Laurent LEBRUN appartenant à l’équipe des membranaires et l’enseignant-chercheur MBareck Chamekh de l’Université de Nouakchott qui préparait alors sa thèse de doctorat dans cette même équipe des membranaires.
Le caractère « inter-universitaire » a été un plus pour ce projet car nos différentes équipes mènent des axes de recherche complémentaires dans le domaine du développement durable et ce, sous deux aspects : un premier aspect environnemental lié au traitement des eaux usées et des rejets industriels et à l’élimination des composés toxiques des milieux contaminés ; et un second aspect lié à la valorisation des ressources naturelles, qui consiste en la récupération des composés propres à valeur ajoutée à partir des mélanges renouvelables de la biomasse ou à partir des solutions et des rejets industriels. Les travaux menés dans le cadre de ce projet ont été un plus pour les différentes équipes car ces travaux ont favorisé l’échange d’expériences entre les membres de ces équipes qui ont été amenées à effectuer des travaux en communs sous forme de stages de recherche pour accéder aux différents types de matériels. Enfin, les équipes des pays de Sud (Maroc et Mauritanie) ont acquit de nouvelles compétences nécessaires pour développer des nouveaux modules d’enseignement et des nouveaux axes de recherche nécessaires aux projets menés dans le cadre du développement durable, une priorité pour les pays de Sud pour un développement harmonieux.

BM-Sur quels sujets de recherche votre Laboratoire travaille-t-il à l’heure actuelle ?

H.M-Notre équipe I3MP ainsi que les deux autres équipes qui ont été associées à ce projet poursuivent actuellement leurs travaux de recherche dans différents domaines liés au développement durable. Les axes de recherche sont essentiellement basés sur l’utilisation des procédés membranaires, plusieurs types de membranes sont élaborés, caractérisés et adoptés pour différents processus, tels que : la séquestration des ions métalliques, l’extraction et l’élimination des composés toxiques ou la récupération des composés à valeur ajoutée, la purification des solutions industrielles… D’autre part, notre équipe essaye actuellement de monter un nouvel axe de recherche, qui consiste à l’élaboration des membranes polymères chirales. Ce type de membrane est constitué d’un support polymère contenant un agent extractif chiral qui permet de séparer des mélanges racémiques afin d’obtenir deux formes énantiomères pures. Ces membranes chirales seront d’une grande utilité pour l’industrie pharmaceutique, car beaucoup de principes actifs sont des composés chiraux avec l’une des deux formes énantiomères est uniquement active, d’où la nécessité d’élaborer des procédés membranaires simples pour obtenir des formes énantiomères pures à partir des mélanges racémiques.

BM-En tant que chercheur du domaine, pouvez-vous nous indiquer, vers quels orientations se dirige le Maroc en matière d’écologie/développement durable ?

H.M-Le Maroc comme tout pays en voie de développement essaye de trouver sa place parmi les pays immergents. Notre pays essaye d’acquérir et de développer des potentiels, humain, industriel et agricole, pour un développement durable et respectueux de l’environnement. Le Maroc constate et observe les expériences des pays développés pour élaborer sa stratégie de développement en adoptant les expériences positives de ces pays et en évitant les stratégies négatives. Étant un pays non-producteur des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel….), le Maroc tente de développer une politique énergétique basée sur la production des énergies propres renouvelables (énergies solaire et éolienne). En matière d’écologie, la politique des barrages s’est avérée très positive pour l’économie de notre pays, car elle permet d’une part, de répondre aux besoins d’alimentation des populations en eau potable et d’autre part, cette politique a permis de lancer le projet du Maroc vert avec le développement d’une agriculture harmonieuse pour une éventuelle autosuffisance alimentaire. Il a aussi été pensé afin d’assurer la production des ressources naturelles nécessaires au développement d’une industrie agroalimentaire propre et à forte valeur ajoutée.
Actuellement les pouvoirs publics au Maroc incitent les unités de production industrielles et agricoles à intégrer dans leurs stratégies des choix respectueux de l’environnement pour un développement durable. C’est ainsi que des projets de formation et de recherche pour un développement propre et durable sont financés par le Gouvernement à travers le CNRST. La communauté scientifique universitaire est aussi impliquée dans cette démarche afin de permettre la formation des cadres spécialisés qui assureront l’interaction entre les milieux académique, industriel et agricole pour l’élaboration et l’application des nouveaux processus d’utilisation, de traitement et de récupération afin de rentabiliser les processus de production, préserver un environnement propre et sauvegarder les ressources naturelles.

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équipe I3MP du Laboratoire LIME

Documentation scientifique relative au PCSI « Développement des procédés membranaires pour la purification des rejets industriels pollués par des métaux lourds ou des composés organiques toxiques, la récupération et la valorisation de certains composés issus des mélanges industriels » : pcsi_doc_i3mp

Date de publication : 28/04/2014

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