Comment l’idée d'un projet sur la « traduction de l'espace » est-elle née ? Le projet TradEspace est né de la passion pour l’analyse de la littérature, vue comme un voyage dans des mondes imaginaires, compensatoires, des visions qui traversent le temps et les espaces culturels. La culture française est pionnière dans la théorisation de l'espace et implicitement de la géographie littéraire.
Nous pensons principalement aux théories de Maurice Blanchot, Gaston Bachelard, Alain Corbin, Bertrand Westphal, Michel Collot ou Fernand Braudel. Cette tradition française nous a offert l’occasion de démarrer notre approche scientifique à partir des hypostases de l’espace géographique français que l’on retrouve dans la littérature roumaine et croate. Quitter et revenir dans un espace littéraire devient une forme de (re)connaissance de soi. Dans l’œuvre de Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, on peut trouver une explication universelle qui relie le départ et le retour de l’être humain dans l’espace : « [N]otre imagination nous portait du lieu où nous vivions jusqu’au cœur d’un lieu désiré́, en un bond qui nous semblait moins miraculeux parce qu’il franchissait une distance que parce qu’il unissait deux individualités distinctes de la terre…». Ce « bond » définit l’espace littéraire qui se construit à partir du réel et de l’imaginaire dans une proportion que seul l’écrivain connaît.
Le présent projet suit cette connexion, en prenant l’espace comme fil rouge, mais en allant plus loin et en élargissant la recherche vers une matrice culturelle. La pénétration de l’espace français dans la littérature roumaine ne couvre pas seulement quelques décennies mais des siècles.
QUELLES SONT LES ÉQUIPES IMPLIQUÉES ?
Le projet vise une collaboration entre deux équipes de recherche de deux universités au sein d’un consortium : L’Université « Lucian Blaga » de Sibiu (Roumanie) et l’Université de Zagreb (Croatie). Au début, l’équipe de recherche était composée uniquement d’universitaires, mais par la suite, en tenant compte de l’intérêt des étudiants et des jeunes chercheurs, on a ouvert les champs d’activités et ils ont été cooptés au sein de l’équipe. D’autres universités européennes ont également exprimé leur volonté de joindre les deux équipes aux ateliers de traduction et aux discussions sur l’espace littéraire.
Équipe de l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu (Roumanie)
Équipe de l’Université de Zagreb (Croatie)
QUELS SONT LES TEXTES À TRADUIRE ?
Nous traduisons des fragments en prose de la littérature roumaine et croate des xixe, xxe et xxie siècles. C’est un objectif ambitieux, les fragments choisis en vue d’être traduits couvrant une période très large et posant entre autres de difficultés stimulantes de vocabulaire. Tous ces textes se concentrent sur le thème du projet, celui de « l’espace français ».
Nous nous sommes arrêtés sur des extraits variés des œuvres roumaines :
- un fragment du roman policier d’Alexandru I. Alexandrescu, Le Mystère de la Tour Eiffel ou La Vengeance d’une princesse russe ;
- la célèbre scène de « la Coupole », espace parisien par excellence, du Depuis deux mille ans de Mihail Sebastian. Comment je suis devenu un hooligan ;
- un fragment du texte moins connu de l’écrivain de l’entre-deux-guerres Camil Petrescu, « La Tour d’ivoire », Les lettres de Madame T ;
- un fragment du roman d’inspiration proustien d’Anton Holban, Une mort qui ne prouve rien, où il évoque le Jardin du Luxembourg et la Sainte Chapelle ;
- deux extraits de la littérature contemporaine, l’un du roman de Doina Ruști qui combine le réalisme magique et les pays lointains : Livre des recettes dangereuses et l’autre, sur Paris, écrit par Ioana Pârvulescu et publié dans un volume collectif.
- un fragment du roman Dva prsta iznad gležnja (Deux doigts au-dessus de la cheville) écrit par Andrija Škare
- un fragment du chapitre Veronese zeleno (Le vert véronèse) du volume Francuska suita (La suite française) écrit par Sibila Petlevski.
- un fragment du roman Francuska suita (Suite française) écrit par Sibila Petlevski.
- un fragment du roman Koko u Parizu (Koko à Paris) écrit par Ivan Kušan
- un fragment du roman Patnje Antonije Brabec (Les Souffrances d’Antonia Brabec) écrit par Ludwig Bauer
QUELLES DIFFICULTÉS AVEZ-VOUS RENCONTRÉES DANS VOS RECHERCHES ?
Le processus de traduction des textes littéraires est extrêmement sensible, créatif et sérieux rigoureux à la fois. Les étudiants et les jeunes chercheurs peuvent rencontrer des difficultés à comprendre la traduction de la littérature. Une autre difficulté est due à l’hétérogénéité de l’équipe, avec des étudiants issus de la troisième année de Licence, mais aussi des mastérants et doctorants. Cependant, ils peuvent merveilleusement travailler ensemble pour traduire et argumenter les variantes de traduction, transformant ainsi la difficulté en un véritable débat.
QUELS SONT LES AVANTAGES DE CETTE RECHERCHE ?
Le grand intérêt de ce projet est, d’une part, la promotion mutuelle dans le monde francophone des littératures d’Europe centrale et orientale, ainsi que l’ouverture sur d’autres domaines d’analyse comme la géographie littéraire ; d’autre part, l’implication de jeunes chercheurs qui apprennent à travailler avec de nouveaux outils et à réaliser des traductions professionnelles.
Les indicateurs sur le déroulement de votre projet :
- Combien d’activités ont été prévues/organisées dans le cadre du projet de recherche ? (compter le nombre total cumulé depuis le début du projet)
On a prévu deux réunions techniques, 2 ateliers et deux missions de recherche
On a réalisé jusqu’à maintenant : une réunion technique, deux ateliers (Sibiu et Zagreb)
On prévoit : deux ateliers (système hybride) et mission de recherche (Zagreb et Sibiu), 4 réunions de traduction pour l’équipe de Sibiu et 4 pour l’équipe de Zagreb (en site), une réunion de clôture
- Combien de publications ont été prévues/éditées dans le cadre du projet de recherche ?
On a prévu la publication d’un volume.
- Combien y a-t-il prévu/eu de participants à des manifestations dans le cadre du projet (congrès, conférences, séminaires, tables rondes, ateliers etc.) ? (compter le nombre total cumulé depuis le début du projet; femmes/hommes)
-4 ateliers avec au moins 20 personnes (18 femmes et 2 hommes) pour chaque activité
-8 réunions avec au moins 12 personnes.