Mme Simona Corlan-Ioan occupe le poste d'Ambassadeur de la Roumanie au Royaume du Maroc depuis octobre 2011. Au cours de sa carrière universitaire, elle a bénéficié d'une bourse qui lui a permis de poursuivre ses études sur l'Afrique à l'EHESS (Paris). Son brillant parcours a été cité en exemple lors du lancement du réseau CONFLUENS-Alumni AUF le 19 mai à la Cité internationale universitaire de Paris. Invitée d'honneur, elle a manifesté son soutien à la création de ce réseau international d'anciens et actuels étudiants et chercheurs bénéficiaires d’un appui financier de l’Agence universitaire de la Francophonie. Partenaire du Bureau Maghreb à Rabat à travers le Groupe des Ambassadeurs Francophones au Maroc, Mme Simona Corlan accepte de revenir avec nous sur ce que l'AUF lui a apporté.
Mme Simona Corlan-Ioan, Ambassadrice de la Roumanie au Maorc et M. Bernard Cerquiglini, Recteur de l’AUF lors de la cérémonie de lancement du réseau Alumni à Paris, le 19 mai 2015.
BM : Pouvez-vous nous expliquer en quoi les bourses d’étude de l’AUF ont été déterminantes dans votre cursus universitaire ?
Je suis née en Roumanie à l’époque communiste et j’ai été formée pendant les années du régime Ceausescu. J’ai pris la décision de poursuivre des études d’histoire aux débuts des années 85, la période la plus dure du régime, quand l’accès aux informations et à la bibliographie récente en Histoire était difficile. À l’époque, j’étais fascinée par l’approche méthodologique des fondateurs de l’École des Annales, par le concept élargi des sources historiques, par la construction de l’image de l’Autre, les mécanismes de l’Altérité et des mentalités et surtout par l’Afrique.
En 1991, juste après la période communiste, j’ai eu l’opportunité de revenir à la Faculté d’Histoire en tant que professeur-assistant dans le département d’historiographie où j’ai pu reprendre mes recherches. Ma grande chance a été l’ouverture du bureau de l’AUPELF- UREF (ancienne entité de l’AUF) à Bucarest. J’ai été admise parmi les étudiants de la première promotion. Le choix de mon sujet d’étude, l’Afrique noire et l’imaginaire qu’elle a nourri pendant le siècle de la découverte -le XIXème-, était inédit. J’ai été la première roumaine à être admise au Centre des Études Africaines de l’École des Hautes Études à Paris. Et, si je ne me trompe pas, je suis restée la seule roumaine jusqu’à ce jour. Après un doctorat en Histoire et civilisation, en 1998, j’ai pu, grâce aux bourses accordées par l’AUF, finaliser mon DEA et aborder des sujets liés à l’Afrique sub-saharienne. Je donnais également des cours aux étudiants de l’Université de Bucarest sur l’histoire des pays de l’Afrique sub-saharienne, un domaine qui n’avait presque pas été (où jamais) abordé.
BM : Quelle place la Francophonie a-t-elle eue sur votre parcours professionnel?
Je suis le « produit » de l’AUF. Mon parcours professionnel a été déterminé par la formation intellectuelle que les bourses obtenues pendant les années m’ont offerte.
Le changement qui est intervenu dans mon parcours professionnel en 2006 est lié, lui aussi, à ma formation d’africaniste. Le Ministre de Affaires Étrangères de l’époque, un historien lui aussi, voulait développer la coopération avec les anciens partenaires de la Roumanie et parmi eux les pays de l’Afrique. Pour cela, il avait besoin d’une personne qui connaissait l’Afrique, ses histoires et ses cultures. Le poste d’ambassadeur au Sénégal (et dans 9 pays de la région de l’Afrique de l’Ouest), un pays qui a beaucoup donné à la Francophonie, m’a offert l’opportunité de jouer en même temps un autre rôle, avec mes moyens bien limités, le rôle de « ambassadeur sans titre » de la Francophonie, un rôle qui me tenait et qui me tiendra toujours au cœur.
Je peux dire avec grande fierté que ma carrière professionnelle a été bâtie sur la base que les bourses à Paris ont aidé à construire.
BM : En mai 2015, vous avez assisté personnellement à la création du réseau Confluens Alumni AUF, êtes-vous sensible au travail en réseau ?
J’ai toujours été convaincue que, dans mon métier, on ne peut travailler efficacement qu’en réseaux. J’ai toujours milité pour constituer et faire vivre des réseaux.
J’ai pris part à la constitution de réseaux depuis la Faculté notamment avec le Centre de l’Histoire de l’Imaginaire, intégré dans les réseaux des Centres des Études sur l’Imaginaire, et avec le Centre des Études Africaines qui collabore depuis le début avec les centres similaires en Europe, Amérique et aux pays du Maghreb.
J’ai travaillé dans le même sens en tant qu’ambassadeur. J’ai quitté mon pays pour aller à Dakar juste après le Sommet de la Francophonie de Bucarest (la Roumanie a assuré la présidence jusqu’en 2008). En 2007, mon pays a décidé de mettre en place le programme des bourses Eugen Ionesco et je me suis chargée de présenter personnellement le programme aux universités, partout où j’ai été accréditée, parce que je suis convaincue depuis toujours que le travail en réseau et le travail interdisciplinaire sont les meilleures solutions dans un monde de plus en plus globalisé. Je suis fière de vous dire que beaucoup des dossiers déposés par des jeunes chercheurs et professeurs que j’ai encouragé ont été choisis.
Avez-vous un message d’encouragement pour la jeunesse francophone ?
Je voudrais insister sur le fait que la jeune génération a une chance extraordinaire de pouvoir accéder facilement à l’information grâce aux bibliothèques et aux bibliographies extrêment riches dans tous les sujets… Il faut savoir en profiter !
Liens
Article sur le réseau Confluens – Alumni AUF : www.auf.org/actualites/naissance-du-reseau-confluens-alumni-auf/
Site Confluens – Alumni AUF : http://auf.confluens.org/web/