Médecin, spécialiste en pédiatrie aux Cliniques universitaires de Kinshasa (Faculté de Médecine de l’Université de Kinshasa - UNIKIN, République démocratique du Congo), Prince Makay Bamba a remporté le Prix du Public lors de la finale internationale du concours "Ma thèse en 180 secondes" (MT180), à Paris le 30 septembre 2021.
Prince Makay est également détenteur d’un certificat en sciences biomédicales de l’École doctorale des sciences biomédicales de la KU Leuven en Belgique où il fait une thèse (cotutelle UNIKIN-KU Leuven) en génétique et génomique humaine.
Nous vous renouvelons nos sincères félicitations pour votre distinction au concours international de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes ». Parlez-nous davantage de votre thèse.
Merci. Mon projet de thèse est né suite au constat amer du manque de données scientifiques sur l’origine génétique des troubles de développement en Afrique en générale et en Afrique centrale en particulier, en plus d’une mauvaise prise en charge. En Afrique, les enfants avec ces troubles sont pour la plupart marginalisés : ils sont considérés comme des sorciers, parfois abandonnés dans la rue, certains à l’origine de séparation des parents. Très peu bénéficient d’une éducation spécialisée.
Ma thèse consiste donc à aller chercher ces enfants à problèmes spéciaux, exclure au préalable ceux chez qui un diagnostic clinique peut être évoqué pour ne garder que ceux dont elle est génétique. Ensuite je procède à un examen clinique et morphologique en recherchant des signes qui s’écarteraient de la « normale » au niveau de la tête, du visage, des membres, bref sur tout le corps. C’est ce que nous appelons en génétique la dysmorphologie. Dans un second temps, avec l’accord des parents, je prélève le sang de l’enfant malade, du père et de la mère, dans lequel j’extrais l’ADN à partir des globules blancs. Après quoi je fais analyser ces ADN en trio à l’aide du Séquençage génétique de nouvelle génération pour détecter les anomalies. Je compare ensuite les mutations retrouvées dans l’ADN de l’enfant aux séquences des ADN des parents pour déterminer le type de transmission chez l’enfant. À l’aide de logiciels spécifiques et des données de la littérature, j’établis une corrélation entre la mutation ou les mutations retrouvé(es) chez l’enfant ainsi que son tableau clinique/morphologique. Lorsque le lien de causalité est établi, le Décryptage génétique de son trouble est fait.
Cet enfant sera pris en charge par une équipe pluridisciplinaire en fonction des différentes affections retrouvées pour favoriser son autonomie et sa réintégration dans la société. Le but ultime c’est d’avoir une base des données des enfants africains atteints de ces troubles, une sorte de cartographie avec iconographie pour améliorer leur prise en charge.
Parlez-nous de votre préparation à la finale internationale MT180 ?
Elle a été un peu difficile car j’avais plusieurs choses à faire. Je ne suis pas parti directement de mon pays, la République démocratique du Congo, mais de la Belgique. En effet j’y étais depuis plus d’une semaine avant la finale internationale. Il fallait donc que je me concentre sur mon travail au laboratoire et que je puisse prendre des moments de pause pour améliorer mon texte et répéter. Sans oublier les réunions de travail en ligne. Chaque soir avant de me coucher, je répétais mon texte, essayant de l’améliorer au regard des prestations antérieures de MT180 sur les réseaux sociaux.
Comment avez-vous vécu la compétition à Paris ?
Super moment de partage et d’apprentissage. Nous avons participé à une conférence sur la médiation scientifique puis il y a eu des moments de détente pour déstresser. Le maitre mot entre nous : c’est un juste un concours, un jeu, nous sommes tous des gagnants, alors amusons nous ! C’est vrai que suivre les prestations des autres et être sois même sur scène, c’est différent. L’adrénaline monte encore lorsqu’on voit le public prendre place et encore plus lorsqu’on est le prochain à monter sur scène. Après la prestation, on se sent déchargé d’un lourd fardeau. Mais la belle ville de Paris nous a fait oublier le stress avant et après.
Vous avez obtenu le prix du Public. Comment avez-vous accueilli la nouvelle de votre distinction ?
Avec une joie immense et fierté. En même temps un ouf de soulagement parce que je voulais absolument revenir avec un premier prix pour mon pays. Gagner le prix du public à Paris alors qu’il y avait un candidat Français parmi nous n’est pas un fait du hasard ! Cela montre à quel point la mobilisation a été importante dans mon pays à travers les différentes structures dans lesquelles je fais partie. Je suis très fier et très reconnaissant envers mes compatriotes mais aussi envers les autres nationalités qui ont voté pour moi. Les africains ont remporté 3 prix sur les 4. C’est une fierté et un honneur.
Un message à transmettre après cette expérience ? Aux futurs challengers peut-être…
« C’est un concours, un jeu mais un jeu scientifique dans lequel on acquiert de l’expérience en matière de vulgarisation d’un travail scientifique. Participez avec enthousiasme et surtout garder à l’esprit que vous représentez votre pays. De cette expérience des liens solides sont tissés et des portes s’ouvrent pour la progression dans votre carrière de chercheurs. Profitez-en ! »
Je n’oublie pas que c’est grâce à l’AUF que je me retrouve aujourd’hui dans ce carré international et que mon travail a été exporté aux quatre coins du monde. Après mon passage sur scène, j’ai reçu des appels et des messages d’un peu partout. Une famille m’a contacté depuis les États Unis au sujet de leur fils ainé qui présente les troubles que j’ai décrit lors de ma prestation. Donc merci infiniment à l’AUF ! Continuez à soutenir les chercheurs avec de telles initiatives voire plus, ne vous lassez pas et que la belle langue française reste pérenne !
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