16e AG: Evariste NGAYIMPENDA, Recteur de l’Université du Lac Tanganyika (Burundi), s’exprime.

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« Comme défi mondial, il s'agit de la survie du français comme langue de communication internationale »

En Mai prochain, l’AUF tiendra sa 16ème Assemblée Générale à Säo Paulo au Brésil. Que pensez-vous de ce grand rassemblement ?

J’ai eu l’occasion de participer à l’Assemblée Générale de l’AUF à Bordeaux en 2009. Il s’agissait de ma première participation à une AssembléeGénérale. C’est ainsi que j’ai compris de quoi tenait l’AUF.

C’est l’occasion de prendre les grandes orientations. Mais le travail se fait dans les contacts informels, dans les structures spécialisées, administratives de l’organisation.

Selon moi, si l’on n’est pas associé de près dans la préparation, les débats de tous les jours des instances décisionnelles de l’organisation, il est à priori difficile de se faire une idée de ce que devront être les grandes lignes qui vont en ressortir.

Selon vous, quels défis attendent la francophonie universitaire dans les prochaines années et qu’il serait intéressant de débattre lors de cette AG?

Par rapport à l’espace régional dans lequel le Burundi se trouve; le pays est naturellement francophone mais il évolue dans un environnement beaucoup plus anglophone.

Par sa participation à l’East African Community, le Burundi est minoritaire quant à la possibilité de pouvoir négocier l’utilisation de la langue française.

Le pays appartient à un espace où il est littéralement désarmé pour apporter sa contribution à cause de la barrière linguistique.

Si le français était reconnu, cela apporterait un avantage de participation et de présence effective. Par exemple, les jeunes burundais sont lésés sur le marché de l’emploi à cause de la barrière linguistique.

Il y aurait une possibilité de renégocier la reconnaissance du français comme deuxième langue officielle de cet espace si la RDC pouvait intégrer l’East African Community.

Comme défi mondial, il s’agit de la survie du français comme langue de communication internationale étant donné l’envergure que prend l’anglais du fait du gigantisme économique, diplomatique, militaire américain; du fait aussi que la Chine et l’Inde s’affirment de plus en plus comme des géants économiques alors qu’ils étaient déjà des géants démographiques.

A ces trois pays, il faut rajouter d’autres nations comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Japon. Il y a un énorme risque de marginalisation de la langue française en tant qu’outil de communication international. Ce deuxième élément double la dimension sous régionale qui pèse assez sur le destin linguistique du Burundi. Si il s’agissait d’un pays ouest africain, ce serait un autre discours car c’est un espace francophone assez affirmé.

L’AUF prépare aussi sa programmation quadriennale 2014-2017. Elle couvrira les domaines de l’action universitaire, la formation, la recherche et la gouvernance. Quels aspects estimez-vous prioritaires pour le développement de votre établissement et pour lesquels l »Agence devrait particulièrement s’attarder?

La Francophonie met en avant l’outil internet, ce qui est tout à fait conforme au siècle que nous vivons d’un point de vue mondial. Mais d’un point de vue local, il y a un énorme défi au Burundi, compte tenu de la maigreur des ressources des burundais et des pouvoirs publics qui n’ont vraiment pas une politique volontariste de promotion des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Cette orientation de promotion des TIC n’apporte pas beaucoup de valeur ajoutée aux burundais car si on doit analyser le taux d’informatisation des institutions de l’enseignement supérieur, il est extrêmement faible.
Est-ce que la Francophonie ne devrait pas envisager parallèlement à l’usage des TIC, la promotion du livre classique, physique?

A titre d’exemple, j’ai souhaité prendre un abonnement à une bibliothèque virtuelle parisienne pour un montant de 7000 euros (15.000.000 de BIF) alors qu’annuellement, l’Université consacre 12.000.000 BIF à l’achat de livres. Parfois cette somme peut ne pas être dépensée car acheter des livres au Burundi peut poser problème. Mais cet abonnement d’exploitation est assez limitatif (consulter page par page, on ne peut pas télécharger le document…).

Ce genre d’outil peut tout à fait être porteur si tous les étudiants d’une université ont leur ordinateur mais ce n’est pas le cas au Burundi. Finalement, si je prenais cet abonnement, combien d’étudiants en profiteraient?

Ma conclusion: le livre physique reste vraiment incontournable. Je serais tout à fait favorable à ce que l’AUF, en plus de la promotion des TIC, et en fonction du niveau d’avancement des pays des universités membres, envisage aussi une politique volontariste de promotion du livre.

En fin de compte, l’objectif premier, est-ce que ce sont les TIC ou la promotion de la langue française? Bien sûr la langue peut passer à travers les nouvelles technologies comme elle le peut à travers les technologies classiques.

Je préfèrerais recevoir un don de livres plutôt que d’ordinateurs par leur durabilité et surtout par le fait qu’il existe une grande fracture numérique parmi les étudiants. Bon nombre d’entre eux arrivent à l’université sans avoir jamais utilisé un ordinateur.

Mais il y a également un besoin d’initier les jeunes étudiants à la lecture car certains n’ont jamais vu un livre.
La Francophonie devrait avant tout tenir compte de tous les rythmes d’évolution de chaque pays des universités membres.

Date de publication : 05/02/2013

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